
journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.
MEDIΔGOUZ
L’ emprunt obligatoire pour
les ultra-riches, une idée à reprendre
Un grand emprunt obligatoire pour les plus fortunés de nos concitoyens proposé par le parti socialiste est passé aux oubliettes…Un peu trop vite peut-être.
C’est Olivier FAURE qui aurait avancé l’idée lors d’une entrevue voici quelques jours avec le Premier ministre Sébastien LECORNU. Accueil prudent de celui-ci avant que BERCY fronce les sourcils et que, en définitive, Matignon jette l’idée à la poubelle.
Cependant, Patrick KANNER le président du groupe socialiste au Sénat, la reprend sous forme d’amendement dans la discussion budgétaire en cours… avant d’être contraint de le retirer face à l’opposition conjuguée de la majorité sénatoriale (droite et centre confondus) et d'Amélie de MONTCHALIN, ministre des comptes publics.
Pour les socialistes, il s’agissait manifestement de trouver une sorte de substitut à la taxe ZUCMAN qu’ils n’avaient pas réussi à faire passer à l’Assemblée nationale. Pas de taxation des plus riches, mais l’obligation pour ces 20 000 foyers les plus aisés de souscrire à un emprunt public à hauteur de 25% ou 30% de leurs impôts, pour une durée de cinq ans et sans intérêt.
Financer la dette à moindre coût
Mais il y a une autre façon d’aborder la question de l’emprunt. A quoi celui-ci servirait-il ? Il faut se référer à la montagne de dette publique à financer jour après jour, mois après mois, année après année… quelque 3 500 milliards d’euros soit 114% du produit intérieur brut, constitués par les déficits publics accumulés année après années. Cette dette, il faut la « financer ».
Pour cela, régulièrement, le Trésor emprunte sur les marchés financiers, pour rembourser les emprunts antérieurs et les intérêts qui vont avec. Ainsi, cette année, remboursements et intérêts confondus -ce qu’on nomme pudiquement la « charge de la dette »- représenteront 55 milliards près de 10% du budget de l’Etat.
Où trouver tous ces milliards, qui prête à la France ? Selon les données officielles, les détenteurs de la dette française, autrement dit nos « prêteurs » sont pour un quart des Français, pour un quart la Banque de France dans le cadre de la politique monétaire, pour un quart des investisseurs de la zone euro, et, enfin, pour un dernier quart des investisseurs hors zone euro.
Cela étant, ces 55 milliards constituent un chiffre énorme et qui d’emblée fait frémir … pourtant pas tant que cela si on le rapproche de celui de l’épargne des Français, un bas laine estimé à plus de 90 milliards soit près de 20% de leurs revenus. Autant dire que ces bas de laine cumulés -du moins une partie de ceux-ci- permettraient de recourir moins et à moindre coût à des prêteurs internationaux.
Le modèle japonais
En regard, nous avons d’ailleurs le modèle japonais. A savoir la dette publique la plus élevée du monde (250% de leur produit intérieur brut le double en proportion de la dette française), un taux d’intérêt quasi-nul sur les marchés financiers, une banque centrale qui souscrit régulièrement des obligations d’Etat et surtout le comportement des Japonais eux-mêmes qui détiennent 85% de la dette de leur pays en utilisant leurs économies pour financer les déficits de leur pays.
Et c’est là que l’on retrouve le débat hélas clos au Sénat, à propos d’un emprunt obligatoire pour les contribuables les plus fortunés. D’abord c’est dans ce groupe qu’est détenue une large part des 90 milliards d’épargne. Ensuite les obliger à mettre au pot commun une (petite) partie de leurs réserves financières constituerait un geste de justice sociale évident et renforcerait l’indépendance financière du pays, ce qui ne serait pas rien en ces temps troublés par les bruits de botte.
On peut discuter de la dureté de la proposition socialiste (emprunt obligatoire sans intérêt) et avancer qu’un intérêt égal à celui du livret A (1,7% depuis ce mois d’août) serait plus équitable et plutôt avantageux pour nos finances publiques. Rappelons que ces derniers temps le Trésor emprunte sur les marchés financiers à des taux d’intérêt qui oscillent entre 3 et 4%.
On espère donc que les socialistes et quelques autres reviendront à la charge lors de la deuxième lecture du Budget et, sans quoi, espérer, sans trop y croire, que les plus fortunés de nos compatriotes mettront d’eux-mêmes, volontairement la main à la poche pour abonder une partie de la charge de la dette , une dette dont ils sont , si l’on a bien compris, parmi les principaux bénéficiaires (au travers des baisses d’impôts notamment…).
Allez, un peu de patriotisme financier chez les ultra-riches…
Sylvain GOUZ
30 novembre 2025
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L’idée d’un emprunt pour financer en partie la charge de la dette n’est pas neuve. Nous l’évoquions sur ce site en décembre 2024 et elle est encore avancée dans une tribune publiée par le NouvelObs fin septembre dernier par Johan THEURET (fondateur du Sens du Service public).
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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...