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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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28h de travail : une occasion perdue de penser le monde d’après

Ainsi les 150 membres de la convention citoyenne pour le climat ont rejeté, à une assez forte majorité (65%), la proposition de faire passer la durée hebdomadaire du travail de 35 à 28h.

Le rejet de cette idée -à laquelle les syndicalistes entendus par la convention ne sont sans doute pas étrangers- est largement compréhensible (voir le récit que donne Le Monde). Proposée par la convention, les 28h seraient devenus en quelque sorte emblématiques, et auraient donné aux travaux de cette instance citoyenne une coloration dont beaucoup de ses membres n’ont pas voulue.

Pour autant, le refus de la proposition de ces 28h hebdos, conçus comme une avancée vers un modèle de développement différent, nous fait perdre une bonne occasion, d’ouvrir (de rouvrir) ce débat.

A l’heure où les productivistes de tous bords, menés par le MEDEF, tiennent le haut du pavé, s’interroger sur la durée du travail eut constitué un moment de vérité pour la société française.

Travailler moins pour licencier moins

Au sortir de plusieurs semaines de confinement, de non-travail pour les uns, de sur-travail pour les autres, il est vraisemblable que les partisans du « travailler moins pour que davantage travaillent » ont gagné du terrain dans le champ de l’idéologie dominante. Au point que le gouvernement lui-même, pour éviter des licenciements massifs vient de mettre en place « un régime d’activité partielle spécifique », qui doit permettre aux employeurs de réduire le temps de travail et la rémunération de leurs salariés.

Vous avez bien lu, il s’agit bel et bien de « réduire le temps de travail » en échange du maintien de l’emploi. Certes, il s’agit d’un dispositif provisoire, mais on n’a guère entendu les hurlements habituels -du côté de la droite et du patronat- face à cette idée. Qui plus est, cette mesure a été adoptée par les sénateurs dont la majorité est fortement ancrée à droite.

Certes, dans ce cas, la diminution des horaires de travail est assortie d’une baisse équivalente des salaires. Mais tout cela demeure négociable au niveau de chaque entreprise. Et on peut imaginer que la perte de rémunération ne soit pas imputée à 100% sur les plus bas salaires.

Pas de reboot du logiciel Macron

Dans sa dernière adresse aux Français, le 14 juin, le Président de la République déclarait ceci à propos du financement des mesures anti-covid: « “Nous ne financerons pas ces dépenses en augmentant les impôts(…)Notre pays est déjà l’un de ceux où la fiscalité est la plus lourde, même si depuis trois ans, nous avons commencé à l’abaisser. La seule réponse est de bâtir un modèle économique durable plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres.”

Cela appelle quelques remarques et autant de petites briques pour imaginer un monde d’après vraiment en rupture avec celui d’avant:

·        sans augmenter les impôts, il serait possible et éminemment souhaitable de rendre la fiscalité plus équitable, plus redistributive (selon le jargon économiste). On l’a écrit ici à de multiples reprises, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG pour en venir à un grand impôt progressif, n’augmenterait pas d’un euro le total des impôts mais ferait franchir un grand pas vers la réduction des inégalités

·        l’assertion selon laquelle la France serait l’un des pays où la fiscalité est la plus lourde est tout à fait contestable, même si elle est reprise, la bouche en cœur, ici et là. Non la France n’est pas cet « enfer fiscal » que Macron reprend à son compte. N’entrons pas ici dans le détail sauf pour affirmer une nouvelle fois que les fameux « prélèvements obligatoires » qui seraient les plus élevés du monde, sont en grande partie « virtuels »

·        le « travailler et produire davantage » outre qu’il sent bon son productivisme néo-libéral, ne serait nullement contradictoire avec un « travailler moins longtemps pour travailler tous et produire plus ».

On aurait imaginé un « reboot », une remise à zéro, du logiciel présidentiel lui permettant d’entrer dans ce type de raisonnement. Apparemment ce n’est guère le cas. Et l’évacuation de la réduction de la durée du travail du débat citoyen ne l’y incitera guère.

Allez, circulez ! Rien à débattre donc sur la durée du travail, pas plus d’ailleurs que sur l’institution du revenu minimum d’existence, deux des clés principales d’un futur qui change  « vraiment » la vie.

Sylvain GOUZ

(21/06/2020)

 

 

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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