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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Le JDD :Hersant, Bouygues…et Bolloré


Un salut amical d’abord aux journalistes du JDD qui mènent un combat ô combien justifié pour l’indépendance éditoriale. La leur et celle de leurs confrères et consœurs confrontés souvent/parfois aux directives éditoriales d’un pouvoir financier à visée totalitaire.

Il y eut, faut-il le rappeler, dans les années 1970 la lutte contre l‘insatiable appétit du groupe HERSANT (LE FIGARO, LE PARISIEN LIBERE, etc) freiné par la CGT qui entendait préserver le « monopole » des ouvriers du LIVRE. HERSANT envisageait même un moment de s’approprier le défunt titre COMBAT…

Plus proche de nous, après la victoire de la droite aux élections de 1986, le gouvernement de Jacques CHIRAC voulait privatiser une des trois chaînes publiques de télévision (TF1, Antenne2, France 3). Débat au sein du gouvernement : laquelle ? Faute de consensus entre ceux qui voulaient vendre Antenne 2 et ceux qui préféraient France 3, en bon politique/politicien qu’il était, CHIRAC choisit de privatiser TF1 alors présidée par Hervé BOURGES. Le ministre de la Culture du moment, François LEOTARD, l’annonça en mai 1986 .

LA TELE EST A VOUS

Au sein de TF1, essentiellement dans la rédaction, ce fut une surprise, un choc, un coup de tonnerre. Que faire ? Emergea l’idée d’agir contre ce projet.
Et de le faire non pas tant en notre nom mais en celui des téléspectateurs qui avaient fait de notre chaîne la première en audience.

Ainsi naquit spontanément un mouvement de révolte vite baptisé, « LA TELE EST A VOUS ».

Pour nous, pour moi qui en fus l'un des animateurs, ce « nom » donnée à une résistance initialisée en  interne participait de l’idée que la télévision était un « bien public » que nul, pas même le gouvernement, encore moins un chef d'entreprise fortuné, ne pouvait s’approprier. Une idée à laquelle bon nombre de téléspectateurs ont adhéré à l’époque.

J’ai le souvenir, dans ce petit local , rue Cognacq-Jay, que nous avait octroyé Hervé BOURGES, du courrier abondant que nous recevions chaque jour. Des centaines de lettres d’encouragement venues des quatre coins du pays et souvent accompagnées d’un petit billet pour nous inciter à continuer le combat.

Ce combat avançait et l’opinion suivait Au point qu’à l’annonce d’une manifestation que nous voulions organiser début juillet, le RPR (les Républicains de l’époque) répliqua illico par un appel à contre-manifestation.

Las, l’été arrivant, les vacances étaient là, ce fut devant un hémicycle quasi désert au cœur de l’été, fin juillet, que fut adoptée par l’Assemblée nationale la loi LEOTARD avec son « mieux disant culturel » qui s’évanouit très vite. Une loi qui entérinait la mise à l’encan de la « Une ».

Le cœur n’y était plus, LA TELE NE SERAIT PAS A VOUS…La loi entra en vigueur à l’automne après le vote conforme du Sénat. Il fallut alors quelques mois pour que la CNCL, le bras armé du gouvernement d’alors, confie les clefs de la « une » à Francis BOUYGUES plutôt qu’à Arnaud LAGARDERE (déjà !).

Donnons crédit au groupe Bouygues -en dépit du limogeage rapide de Michel POLAC et son « DROIT DE REPONSE » hebdomadaire- de ne pas avoir interféré dans l’information : peu de pressions, encore moins d’interventions. Du moins dans les premières années de TF1 privatisée.

Les équipes restèrent en place et, en tant que rédacteur en chef des Journaux Télévisés dans cette période, je me dois de témoigner de cette « liberté éditoriale » quasi-totale laissée aux journalistes par le propriétaire des murs, tant par Francis BOUYGUES que par Patrick LE LAY et Etienne MOUGEOTTE (dans sa séquence TF1). La Directrice de l’Information de l’époque, mon amie Michèle COTTA, peut le confirmer.

Emprise idéologique plus que puissance économique

Ceci pour en venir à BOLLORE qui manifestement ne marche pas dans ces pas là. Non pas que BOUYGUES fut totalement innocent d’arrière-pensées en acquérant la principale chaîne de télévision. Sans doute était-ce au premier chef pour renforcer le poids « économique » de son groupe, son influence auprès des pouvoirs publics. A cette époque en tous cas, pas de faveurs éditoriales imposées aux journalistes pour les dirigeants ou mouvements politiques.

Mais avec BOLLORE c’est tout autre chose. Ce n’est pas la puissance économique qu’il recherche -il la possède déjà- c’est l’emprise idéologique et politique qu’il veut assumer. En témoignent le ménage fait à CANAL+ dès son arrivée, puis à ITELE devenu CNEWS et désormais à EUROPE 1. Voici les uns et les autres transformés en déversoirs non pas seulement d’informations mais également voire surtout d’idées et de discours correspondants à la pensée et aux désirs du CHEF.

A croire que les « Cahiers de prison » de GRAMSCI sont sur sa table de chevet. GRAMSCI, dirigeant du parti communiste italien, initia le concept d’ « hégémonie culturelle » comme moyen de prise de pouvoir. Aujourd’hui c’est l’extrême-droite, Marion MARECHAL en tête, qui s’en inspire ouvertement.

En ce sens, la bataille du JDD est bel et bien politique au plein sens du terme. Cruciale pour les journalistes du JD, essentielle pour l’Information et les journalistes dans tous les organes de presse, elle est constitutive de la lutte idéologique de vaste ampleur que, en face, BOLLORE mène sans vergogne. C’est un enjeu déterminant pour l’avenir du pays… 2027 n’est pas si loin.
 

Sylvain GOUZ

(24 juillet 2023)

 

 

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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