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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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De Mélenchon à Macron, revoilà l’investissement public ...et Keynes

Keynes superstar quelque 130 ans après sa mort ! L’inventeur et le théoricien du « multiplicateur d’investissement public », l’économiste John Maynard Keynes connaît incontestablement une sorte de retour à la mode. Un revival (en novlangue).

En quelques lignes, qu’est-ce que ce concept décrit par Keynes dans son ouvrage fondateur « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie » ? Le constat que, en période de récession économique -c’était le cas en Grande-Bretagne après la crise 1929-, la dépense publique, surtout en termes d’investissement, rapportait, à terme, plus qu’elle ne coûtait.

 

Ainsi, une livre  sterling empruntée par l’Etat et dépensée, par exemple pour des infrastructures, donnait du travail, donc créait de l’emploi et générait des revenus, lesquels presque mécaniquement  dopaient la demande des consommateurs, laquelle à son tour provoquait des commandes pour l’industrie qui du coup tournait plus vite et donc générait encore des revenus supplémentaires pour les salariés… et des retours d’impôts pour les finances publiques bien au-delà du coût de remboursement de l’emprunt initial.

 

Schématiquement donc l’Etat emprunte puis investit. La « mécanique » keynésienne fait que, via ce fameux multiplicateur, au bout du compte ce même Etat non seulement peut rembourser l’emprunt initial mais se retrouve gagnant tandis que l’activité et la croissance économique repartent et que le chômage diminue.

 

Ce précepte keynésien a eu son heure de gloire avec le programme d’investissement massif mis en œuvre par Roosevelt aux Etats-Unis avec le New deal (1933) qui comportait, entre autres, un plan d’investissement massif – dont la célèbre « Tennessee Valley Authority ». Tandis que s’en inspirèrent également les programmes de reconstruction dans l’Europe de l’après deuxième guerre mondiale.

 

Lors de la crise des subprimes de 2008-2009, les regards se tournèrent à nouveau vers Keynes que les « trente glorieuses » avaient rejeté dans les poubelles de l’histoire économique.

Mais ces regards restaient inopérants en Europe tant dominait l’idéologie néo libérale, à l’origine du fameux et désolant « pacte de stabilité » mis sur orbite par le duo fatal Merkel-Sarkozy. Un pacte de stabilité dont il faut se souvenir qu’il est à l’origine des programmes d’austérité grecs, espagnols, portugais… et qu’il n’est pas étranger à la situation actuelle de l’économie française.

Trump, Juncker, Mélenchon, Macron…

Mais petit à petit, l’idée que l’investissement public peut être bénéfique a refait surface. Ce fut le cas avec le plan Juncker -du nom de l’actuel président de la Commission européenne- qui prévoit une injection de crédits européens, publics et privés, -à hauteur de 300 milliards d’euros- dans les pays de l’Union européenne afin de « stimuler la croissance ». Ce plan est à l’œuvre depuis l’automne 2015 sans que l’on en perçoive distinctement les effets.

 

Aux Etats-Unis, c’est Donald Trump qui a enfourché le cheval de l’investissement public en promettant à ses électeurs un plan massif pour la modernisation des infrastructures -qui en ont sans doute bien besoin-. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, c’est silence radio sur le sujet.

Mais c’est à l’occasion de la compagne pour l’élection présidentielle de 2017en France  que le multiplicateur de dépense publique fait son grand retour.

 

Rendons à César, c’est Jean-Luc Mélenchon qui s’est emparé de la manière la plus spectaculaire du concept keynésien avec sa proposition phare d’un emprunt de 100 milliards d’euros destinés pour l’essentiel au logement et au développement des énergies renouvelables. A quoi s’ajoutent un surcroît de dépenses publiques (173 milliards sur 5 ans). L’idée a-t-il expliqué lors de son show sur you tube est « d’injecter une masse suffisante qui remette en route l’activité » Et de  parier sur un effet multiplicateur de 2 à 3 de ces investissements (ce que contestent nombre d’économistes plus « classiques » que ses conseillers). On ne saurait être plus keynésien !

 

Et voici maintenant Emmanuel Macron qui se met également au néo-keynésianisme avec sa proposition d’un plan d’investissement de 50 milliards sur 5 ans tournés principalement vers la formation et la transition énergétique. Parallèlement, il est vrai il envisage de réduire de 60 milliards la dépense publique -ce qui n’est pas franchement keynésien- . Mais l’essentiel est là : l’investissement public est à l’ordre du jour. A l’opposé de la purge néo-libérale de François Fillon et en parallèle, si l’on peut dire, du revenu minimum cher à Benoît Hamon.

 

Ce retour à la source keynésienne est-il justifié ? Autrement dit le multiplicateur fonctionnera-t-il dans la France de 2017 selon le paradigme du professeur britannique du siècle dernier ? Quel sens la dépense publique peut-elle avoir dans une économie ouverte comme la nôtre ? Le surcroît de revenus  induits -hypothèse- par l’investissement public sera-t-il épargné ou injecté dans le circuit économique, ce que présuppose le raisonnement keynésien… Ces questions méritent amplement débat. Un débat bien amorcé dans un récent  article du Monde consacré au programme de Jean-Luc Mélenchon.

 

Plus que tout autre ce débat mérite le devant de la scène.

 

 

Sylvain Gouz

(24/02/2017)

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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