Non Emmanuel Macron !
la France « irait mieux » avec les 30 heures
Le ministre de
l’Economie, Emmanuel Macron,
visait-il ou non les 35 heures
en affirmant devant le parterre
de chefs d’entreprise du MEDEF
que parmi les « fausses idées »
de la gauche figurait celle que
« la France pourrait aller mieux
en travaillant moins » ? Il s’en
défend : non, il ne visait pas
la diminution du temps de
travail instituée sous le
gouvernement -de gauche- de
Lionel Jospin par Martine Aubry
sur une idée de Dominique
Strauss-Kahn. Mais que voulait
donc évoquer notre jeune et
dynamique ministre superstar ?
En galéjant, si c’était pour
affirmer que « la France irait
mieux » avec moitié moins de
chômeurs, plutôt 5% que 10%
comme c’est le cas aujourd’hui
(3 551 600 demandeurs d’emploi
inscrits en juillet), on ne
pourrait qu’applaudir...
C’est l’inconscient qui parle
Mais,
qu’importe au fond ce qu’a voulu
dire Emmanuel Macron,
l’important c’est ce qu’il a
exprimé – après tout, il y a
chez lui comme chez tout un
chacun un inconscient qui parle,
- et, de ce point de vue, les
membres du patronat devant lui
assemblés, ne s’y sont pas
trompés : standing ovation !
Ce qui est intéressant dans
cette bévue/lapsus, c’est
l’incompréhension dont fait
preuve Macron et avec lui une
large partie du patronat et de
la droite (voire de la gauche
??) : l’institution des 35
heures à partir de 1998 ne
visait en aucun cas à ce que la
France travaille moins. Ce
n’était évidemment pas
l’objectif visé et c’est tout le
contraire qui s’est produit: un
consensus entre experts existe
pour estimer que cette mesure a
généré entre 300 000 et 350 000
emplois sur les 1,8 millions
d’emplois créés en France entre
1997 et 2001, tandis que la
croissance s’est accélérée,
favorisée il est vrai par le
contexte mondial.
Si Emmanuel Macron veut bien
consulter les études sur le
sujet (il en est d’édifiantes à
l’INSEE qui est rattaché à son
ministère) il voudra bien
considérer que la diminution de
la durée du travail permet de
fournir des emplois à ceux qui
en recherchent, sans succès. «
Mieux vaut payer des hommes et
des femmes qui travaillent que
les indemniser comme chômeurs »
une telle phrase aurait été
bienvenue dans la bouche du
ministre de l’Economie d’un
gouvernement de gauche.
Des
preuves d’amour en milliards
d’euros
Si « fausses idées » il y a à
gauche -Emmanuel Macron est
certainement de gauche- c’est
notamment celle qui consiste à
tout attendre du bon vouloir des
chefs d’entreprises que l’on
flatte avec des « preuves
d’amour » (mots du ministre
devant le MEDEF), des preuves
sonnantes et trébuchantes qui,
du CICE au pacte de
responsabilité, se comptent en
dizaines de milliards.
Les patrons n’ont nul besoin
d’amour, ils ont besoin de
perspectives et de débouchés.
Aujourd’hui ils restent pour la
plupart l’arme au pied tant pour
investir que pour embaucher. Si
les marchés extérieurs
frémissent un peu -Chine,
victime d’un trou d’air,
exceptée bien sûr- la demande
intérieure, la consommation des
ménages, est plutôt atone. « La
confiance des ménages baisse
légèrement (–1 point).
L’indicateur qui la synthétise
se situe à 93, en dessous de sa
moyenne de longue période (100)
» écrit l’INSEE pour commenter
son enquête auprès des ménages
en juillet dernier.
En route vers les 30 heures
Alors en attendant/espérant la reprise -la vraie- que faudrait-il faire ? Et bien précisément amorcer une nouvelle étape dans la diminution de la durée du travail. Par exemple instituer une durée du travail à 30 heures pour aller vers les 25 heures -voilà un beau slogan pour les présidentielles à venir !!- et le faire dans la justice sociale c'est-à-dire avec une répercussion « en sifflet » sur les salaires. A savoir qu’en bas de l’échelle, disons jusqu’à 1,5 SMIC, les 30 heures resteraient payées 35 heures. Puis, on irait progressivement vers 30 heures payées 30 heures en grimpant dans l’échelle des salaires.
Comme en 1999-2000 et au-delà,
l’Etat devrait contribuer au
financement, mais, à tout
prendre, mieux vaut financer une
mesure qui sans nul doute,
l’expérience 1999- 2001 le
prouve, créerait des emplois
qu’indemniser des chômeurs
toujours plus nombreux et pour
le coup « improductifs » malgré
eux, ou continuer de remplir le
tonneau des danaïdes patronal.
En vain.
Cessons de rêver. On n’imagine
pas que cette piste puisse être
suivie par le trio
Holland-Valls-Macron qui
s’inscrivent dans un courant de
pensée social-libéral nourri de
très « fausses idées » pas
nécessairement « de gauche » et,
malheureusement pour le pays
comme pour la gauche, voué à
l’échec.
Sylvain Gouz
(29/08/2015)