Ayrault relance la réforme fiscale : Hollande et Valls y sont opposés ?
Une grave erreur
François Hollande a vraiment tort de ne pas saisir au vol la perche que vient de lui tendre son ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, et avec lui plus d’une centaine de députés socialistes. Certes, il ne s’agit que d’une mini-perche, disons une perche symbolique qui consiste à amorcer enfin pour de bon la réforme fiscale si longtemps promise et toujours attendue.
Substituer pour partie un allègement de cotisation sociale généralisée (CSG) à la prime pour l’emploi dédiée aux plus bas revenus, tel est le but de cet amendement proposé à la loi de Finances pour 2016. Cela ne modifiera certes pas la face du monde fiscal français. Pour ceux qui seraient concernés comme pour les finances publiques, rien de changé. Les niches fiscales au profit des plus hauts revenus demeureraient, l’évasion fiscale des multinationales perdurerait.
N’empêche, cela va bien au-delà de la timide introduction du prélèvement à la source… Serait enfin enclenchée la mécanique consistant à rendre la CSG progressive (avec des taux qui augmentent avec le montant taxé), première étape nécessaire à la fusion ultérieure de cette CSG avec l’impôt sur le revenu. Une première étape en forme de prolégomènes, mais significative.
Bravo à l'impôt citoyen sur le revenu
Pour Jean-Marc Ayrault et les co-signataires de l’amendement en cause, l'objectif c'est un "impôt citoyen sur le revenu" acquitté par tous. Belle expression pour rappeler à chacun que payer l’impôt est le signe majeur d’appartenance à la République. Les nations, singulièrement la nation française, se sont constituées autour de l’unification des impôts.
La fusion CSG-impôt sur le revenu a fait l’objet ces dernières années de plusieurs études et rapports qui tous soulignent les obstacles, qu’ils soient d’ordre administratifs ou constitutionnels (ce que vient de souligner le ministre des Finances Michel Sapin, renvoyant toute réforme aux calendes : "une perspective de long terme", affirme-t-il).
La
vengeance de Jean-Marc Ayrault ?
Il serait absurde de nier les difficultés de la fusion, notamment le fait que l’impôt sur le revenu taxe les revenus de l’année précédente et vise les foyers fiscaux, alors que la CSG frappe, si l’on peut dire, les revenus en temps réel et individu par individu. Mais tout cela est surmontable dans la durée. Nous y serions déjà si la réforme avait été lancée dès 2012 ; Jean-Marc Ayrault, Premier ministre à l’époque, en éprouve-t-il des regrets ou des remords ?
Quoi qu’il en soit, son initiative aujourd’hui mérite d’être saluée même si pour une part, et quoiqu’il s’en défende, elle peut apparaître comme "la vengeance du serpent à plume". N’a-t-il pas été remercié sans grand ménagement au printemps 2014 pour céder Matignon à Manuel Valls ?
Mais, foin des susceptibilités et des questions de personnes, saisir l’occasion de l’amendement Ayrault serait pour le tandem Hollande-Valls une façon d’adresser à leur électorat sinon des "preuves d’amour", du moins un geste. Apparemment ils s’y refusent, et pourtant il y aurait comme une urgence au vu des perspectives électorales…
Sylvain Gouz
(13/10/2015)
