MediΔgouz.fr est le site éditorial de Sylvain GOUZ,

journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

        MEDIΔGOUZ

 

 

500 milliards pour aider les Européens,   un baroud d'honneur

Encore un instant monsieur le bourreau …avant de déclarer la mort clinique de l’Union européenne. Après des heures et des heures de palabres, de négociations bi ou tri latérales en coulisse, d’affrontements via presse interposée, de contacts au plus haut niveau, les ministres des finances de l’Union européenne sont parvenus, in extremis dans la soirée de jeudi à un accord, ou plutôt à un pseudo-accord, qui sauve les apparences.

 Quelque 500 milliards d’euros (540 milliards plus précisément) mis à la disposition des états membres pour financer les dépenses de santé, l’indemnisation du chômage partiel et le maintien la tête hors de l’eau des entreprises. Les ministres étaient tellement fiers de leur ouvrage, d’être passés si près de leur échec collectif, qu’ils se sont auto-applaudis à l’issue de leur vidéo-conférence. Il n’y avait pas vraiment de quoi.

En fait cette enveloppe était déjà pour moitié environ mise de côté dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité (dit MES). Il s’agissait en 2012 lors de sa création sous les auspices de MERKOZY (contraction bien sûr de Merkel et Sarkozy, en charge à l’époque) de venir en aide aux Etats en déficit chronique en la subordonnant à de réformes allant toutes dans le sens de l’austérité. La Grèce qui en a bénéficié en a fait la douloureuse expérience.

Tout l’enjeu des discussions -le mot est faible- de ce jeudi était de faire sauter ce verrou de conditionnalité. Les Pays-Bas soutenus plus ou moins mollement par l'Autriche, la Suède et le Danemark s’y opposaient mordicus. En face, l’Italie et l’Espagne, appuyées par la France notamment, refusaient toute contrepartie à une aide européenne. Il semble qu’ils l’aient emporté au finish.

Pour sa part, notre pays, tout comme l’Italie, plaidait en outre pour un mode de financement spécial d’un futur fonds de relance européen : l’émission d’obligations européennes dites « corona bonds ». Une formule absolument refusée par l’Allemagne et les Pays-Bas. Du coup on en reparlera, mais plus tard , un report aux calendes, comme on dit.

Bref, au total une vraie foire d’empoigne.

Le camouflage d’une agonie


Le compromis qui s’en est suivi est évidemment boiteux. La somme en jeu, ces 540 milliards d’euro apparaît conséquente à première vue. Mais elle est plutôt maigrelette face aux besoins des pays frappés de plein fouet par covid, à commencer par l’Italie, l’Espagne, voire la France… Pour notre seul pays, l’OFCE estime à 60 milliards par mois le coût global de la crise covid. Combien de mois ?

Et, malgré l’accord, l’ambiguïté demeure sur les modalités:  à en croire le ministre néerlandais des Finances qui, au sortir de la réunion hier soir, évoquait encore des « conditions » à l’octroi des fonds. Ces conditions ne s'appliqueraient pas sur les dépenses de santé mais sur celles de financement du chômage partiel et d'aide aux entreprises.

Du coup cet accord du 9 avril -qui devra encore être entériné par les chefs d’Etats et de Gouvernements- apparaît pour ce qu’il est : une sorte de baroud d’honneur nimbé de flou, un camouflage de l’agonie de l’Europe sous ses aspects monétaires et économiques. La règle des 3% de déficits -déjà fort contestée- est bonne à jeter à la poubelle, le budget dit européen (1% du revenu national brut des pays membres) est une blague qui ne fait plus rire personne tandis que le continent connaît sa pire dépression économique.

Alors les ministres des Finances allemand et français peuvent toujours en écho se congratuler : « un grand jour pour l’Europe » déclare l’allemand Olaf Scholz, quand son homologue français Bruno Le Maire s’enthousiasme sur Twitter : « un excellent accord… L’Europe décide et se montre à la hauteur de la gravité de la crise ». Ils se donnent le change à eux-mêmes.

L’Union européenne se meurt, le roi est presque nu. Il convient d’imaginer ses futurs habits. Autrement dit, il est urgent de repenser l’Europe.

Sylvain GOUZ

(10/04/2020)

 

MEDIΔGOUZ

Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

Lire la suite