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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Pourquoi le « chantage à la Grèce » ne fonctionne pas


Des policiers devant l’entrée d’un hôtel pendant une manifestation à Athènes, le 4 avril 2012 (John Kolesidis/Reuters)

Ce devait être une arme de destruction massive : « Si vous votez Hollande, vous aurez la Grèce… ou l’Espagne. » Outre la mauvaise humeur ainsi suscitée dans ces deux pays, ce chantage au malheur économique ne fonctionne visiblement pas.

Car ainsi s’avançait le Président sortant, le modèle « allemand » dans une main, le repoussoir « grec » dans l’autre. Ce devait être la martingale gagnante :

  • faire rêver les Français en invoquant le paradis d’outre-Rhin avec excédent commercial extérieur, équilibre budgétaire et chômage (officiel) en baisse ;
  • les faire cauchemarder en convoquant les SDF du Pirée, les coupes dans les salaires, les retraites rognées.

Mais, manifestement, le rêve n’a pas plus galvanisé les troupes que le cauchemar ne les a fait trembler d’effroi.

Certes, François Hollande avait pris ses précautions en visant lui aussi à rétablir les comptes publics et en faisant entendre sa petite musique de rigueur agrémentée d’un fond sonore de croissance retrouvée sur une mélodie de justice sociale.

Un malade grec qui s’enfonce chaque jour

Mais si le chantage à la Grèce n’a pas passé la rampe, c’est aussi – au-delà des considérations purement économiques – parce que la misère qui atteint aujourd’hui ce pays et ses habitants attire une sorte d’empathie.

Et également parce que, même si Athènes a fait de grosses bêtises – en truquant ses comptes, et en négligeant par trop de faire rentrer les impôts –, chacun sent bien que si on en est là aujourd’hui, c’est aussi en grande partie parce que l’Europe, sous une certaine férule au doux nom de « Merkozy », a tergiversé, a accordé des aides trop mesurées avec trop de retard, bref, a accumulé les fautes dans le traitement du malade grec qui s’enfonce jour après jour plutôt qu’il ne guérit.

Et puis chacun (y compris d’ailleurs Nicolas Sarkozy, venu sur ce point tout récemment à résipiscence), a compris que d’austérité en coupes budgétaires, de sacrifices imposés en chômage subi, avec une chute grave de l’activité économique, un pays exsangue comme la Grèce ne pourrait pas s’en relever.

C’est bien beau de vouloir combler les déficits, mais si cela plombe la croissance, les rentrées fiscales plongent et lesdits déficits augmentent plutôt qu’ils ne diminuent. Une boucle infernale. Tous les enfants de 5 ans du monde peuvent comprendre le raisonnement !

Les « nein » d’Angela Merkel

Et cela nous ramène à l’Allemagne, dont le modèle fait peut-être autant pitié qu’envie : moins de chômage affiché certes, mais davantage de travailleurs pauvres, des retraites chiches, une démographie en déclin... Et des excédents commerciaux qui se font, vases communicants obligent, au prix de déficits chez les autres Européens.

On sent bien que cette idéologie du « remboursez vos dettes d’abord ! » est imposée au reste de l’Europe sous forme de diktat, sinon par l’Allemagne en tant que telle, du moins par la chancelière Angela Merkel qui dirige ce pays pour l’heure. Et que ses « nein » réitérés à toute intervention décisive de la Banque centrale européenne, à toute émission d’obligations européennes… constituent une faute contre la croissance en Europe.

Les Français entre cigale et fourmi

L’Allemagne donne à tort ou à raison le sentiment de vouloir reconquérir sur le front économique une certaine mainmise sur toute l’Europe. Pas de quoi faire rêver ! Si la chute en pauvreté attire l’empathie, la montée en surpuissance suscite plutôt la défiance.

Et nous revoilà, encore et comme souvent, chez La Fontaine : « La fourmi n’est pas prêteuse… »

Entre cigale et fourmi, à l’heure du choix, les Français se sentent plus dans la peau de cigales festives que de fourmis sourcilleuses. La Grèce paupérisée ne fait pas vraiment peur. L’Allemagne, repliée sur sa richesse, a quelque chose d’un égoïsme effrayant.

 

Sylvain Gouz

(19/04/2012)

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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