L'élection présidentielle vaut mieux que des querelles de chiffres
Au jeu du « combien ça coûte ? » on n'a pas fini de s'étriper entre les deux camps. Vous avez dit 60 000 enseignants de plus… voilà l'addition (d'autant plus salée qu'on va calculer leurs traitements sur leurs durées de vie dans la fonction publique). Vous avez évoqué un « contrat de génération », mais c'est la ruine assurée (d'autant moins assurée, pourrait-on dire, qu'on ignore combien de jeunes et de vieux la mesure concernerait mais qu'importe).
Démolition en règle
Bref, sans même connaître par le menu les propositions que formulera le candidat socialiste ce dimanche, une chose est sûre : les forts en thème et en calcul mental de l'UMP vont les démolir en un tournemain.
Mais, il paraît tout aussi certain, que dans le camp de François Hollande les ordinateurs tournent aussi à plein régime. Sans vouloir faire le compte, on peut se risquer à penser qu'il y a sans doute au moins autant d'énarques inspecteurs des finances relevant de la direction du Budget dans les rangs du PS que dans ceux de l'UMP.
Contre offensive sur la TVA sociale
Voici déjà que la gauche prépare sa contre-offensive puisqu'il paraît que le candidat Sarkozy va présenter la semaine prochaine un nouveau train de mesures et notamment son projet de « TVA sociale » (rebaptisée on ne sait comment cette fois). Et là il y aura aussi de quoi faire côté chiffrage : tant de milliards de charges patronales en moins, tant de points de TVA (ou sait-on jamais de CSG) en plus, cela va taper dur du côté gauche : hausse des prix pour les plus pauvres, profits en hausse pour les entreprises qui garderont le pactole pour elles, etc… avec en prime là encore une valse des milliards : combien ça coûte aux uns, combien ça rapporte aux autres ?
Alors chiffres contre chiffres ? experts contre experts ? Cela promet une belle bataille de chiffonniers (encore que je n'aie rien contre les chiffonniers). Une bataille qui fera les délices des media. Ce sera à qui trouvera une faille dans un chiffre. Et chaque rédaction de se targuer de faire appel à un expert, que dis-je, à un bataillon d'experts -bien sûr indépendants- pour chiffrer le programme de chaque candidat.
Plus personne n'y croit
Bref, nous sommes vraiment engagés avec ces guerres de chiffres sur une très mauvaise pente, indigne d'une démocratie qui se veut majeure.
Chacun à droite comme à gauche devrait pourtant savoir d'expérience que les électeurs ne mordent plus à ces hameçons là. Le président du pouvoir d'achat est devenu en un quinquennat celui de la récession et du chômage. Et l'on se remémore que les promesses de François Mitterrand en 1981 ont tourné court à l'été 83, tout comme celles de Jacques Chirac en 95 ont fini dans la corbeille à papier quelques mois à peine après son élection à la Présidence.
Une situation économique mouvante
Ces querelles chiffrées à la virgule près seront d'autant plus ridicules que la situation économique est on ne peut plus mouvante.
Quelle croissance, ou plutôt quelle récession pour la France en 2012 ? le gouvernement s'en tient au chiffre illusoire de +1%. Il n'y a plus que lui pour y croire. Mais ce n'est pas anodin puisque le budget de 2012 est précisément calé sur cette prévision. Moins de croissance, c'est moins de rentrées fiscales. En outre, comme à l'habitude, les budgets des années électorales sont toujours un peu « cosmétiques ». Puisque chacun sait que, quels que soient les gagnants de la présidentielle et des législatives, le budget voté par les actuels parlementaires ne sera en aucun cas appliqué tel quel.
Autre incertitude, combien de chômeurs à l'horizon avec ces plans sociaux qui s'accumulent ?
Sans compter, c'est de bonne guerre, tout ce qui a pu être caché sous les tapis. Chaque alternance implique l'audit de l'héritage. Attention aux surprises !
Des vrais débats : il y a de quoi faire
Alors de grâce messieurs les candidats élevez-vous, s'il vous plaît, un peu au dessus de la surface des chiffres. Ce que les Français attendent de vous ce ne sont pas des calculs d'apothicaires dont ils savent qu'ils sont nécessairement approximatifs. Ce dont les électeurs ont besoin, le plus grand besoin, c'est que vous leur indiquiez de grandes options, et que vous en débattiez devant eux : la fiscalité, les inégalités, l'éducation, la justice, les déficits, la compétitivité de l'industrie pourquoi pas, les sujets de confrontation ne manquent pas qui vous porteraient au niveau d'une élection présidentielle
Sylvain Gouz
(5/11/2011)