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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Concentration dans les medias : qui veut, qui peut faire élire son Président?

On assiste donc ces derniers temps à un grand remue-ménage dans le monde des medias : alliance Patrick Drahi ( Libération, l’Express)/Alain Weill (BFM , RMC), reprise en main de Canal+ par Vincent Bolloré, rachat du Parisien par Bernard Arnault, revente par Martin Bouygues de la participation de TF1 dans Eurosport –d’où la constitution d’un opulent  trésor de guerre-,  acquisition du Nouvel Observateur -transformé en OBS- par le trio Pierre Bergé, Xavier Niel, Mathieu Pigasse. Le Monde, lui-même propriété de ce dernier trio, a fait le titre de la une de son numéro du 29 juillet de ce phénomène le mettant directement en rapport avec « l’approche de 2017 ». Autrement dit, ce mouvement de concentration -appelons les choses par leur nom- serait lié à la proximité de l’élection présidentielle de mai 2017, chacun fourbissant ses armes médiatiques.

Si l’on n’est pas sans soupçonner  les penchants politiques de Vincent Bolloré, Bernard Arnault et Martin Bouygues d’un côté, de Pierre Bergé, Xavier Niel, Mathieu Pigasse de l’autre, on reste plus dubitatif sur ceux de Patrick Drahi qui n’a pas hésité à renflouer Libération ou d’Alain Weill. Mais qu’importe. La question demeure de savoir dans quelle mesure un media, même tenu en laisse très serrée par son propriétaire peut influencer l’opinion et faire élire le candidat de son choix, de son cœur ou de ses intérêts… Evoquons ici surtout les média télévisuels, tant chaque journal découpe dans l’électorat les lecteurs de son bord.

Balladur surexposé… et battu

En 1994, Martin Bouygues n’hésitait pas à déclarer mezzo vocce , devant le comité de direction de TF1, que la chaîne « allait faire élire le prochain Président de la République ». Et de fait les téléspectateurs de cette chaîne qui dominait alors le paysage de l’information télévisée audiovisuelle eurent droit, quasiment chaque jour, à la retransmission des faits et gestes du Premier ministre Edouard Balladur, virtuel candidat à l’élection présidentielle. Non seulement cela ne l’a guère aidé face à un Jacques Chirac jouant les contacts de proximité, mais parions que cela fut contre-productif. De même la surexposition télévisuelle de Nicholas Sarkozy président n’a pu empêcher sa défaite in fine.

A rebours, on peut noter que la ritournelle quotidienne sur l’insécurité servie dans tous les JT à l’approche de la présidentielle 2002 a probablement desservi le candidat Jospin alors Premier ministre, éliminé dès le premier tour. Et de même son crédit électoral fut-il vraisemblablement entamé par la diffusion sur tous les écrans à la veille de ce premier tour d’une scène de violence infligée à un petit monsieur âgé près de Troyes. Scène qui s’est révélée a posteriori  avoir été un  « montage », un « fake », dit-on aujourd’hui.

La réalité, personnellement vécue, si je puis dire, est que le plus pointu des sociologues comme le plus avisé des rédacteurs en chef est dans un brouillard total face aux effets éventuels de telle ou telle séquence diffusée.  Et c’est heureux ! On peut certes se souvenir d’un chef de service politique zélé faisant supprimer au montage les séquences montrant par exemple des syndicalistes CGT trop combatifs. Cela n’a guère contrarié la victoire de Mitterrand en 1981.

Un miroir de l’actualité qui provoque l’actualité

L’information télévisée, JT des chaînes historiques et information continue des BFM, ITV, LCI confondus, conforte l’opinion, les opinions, plutôt qu’elle les influence directement. Avec il est vrai des morceaux de choix consacrés à la violence, aux violences de la société : n'importe quel caillassage, le moindre fait divers a droit au journal de 20h ou au titre du tout-info du moment. Comment s’étonner après de la contagion, qui, à son tour, va infiltrer la moulinette médiatique ? Quoi de plus télévisuel qu’une carcasse de voiture calcinée, qu'un car de police attaqué, qu’une route barrée etc. ? Et l’actualité récente n’est pas chiche de ces « belles longues et grandes séquences » tenant en haleine des heures durant : Toulouse, Charlie, l’Hyper-cacher… En ce sens l’information télévisée demeurera un miroir de l’actualité qui provoque l’actualité.

Big Brother aux abonnés absents

Qu’y peuvent les propriétaires actuels et futurs de ces télévisions ? A vrai dire pas grand chose. Au delà même de l’indépendance des rédactions et de la déontologie des journalistes, ils ne sauraient quelles instructions donner. Faut-il parler de ceci, évoquer cela ? Convient-il d’inviter systématiquement celui-ci, ou d’exclure celui-là des écrans ? Tout se révèlerait vain.

Cela ne justifie en rien les mouvements capitalistiques qui affectent l’univers médiatique et plus précisément celui de la télévision. Car celle-ci, bien au delà de telle ou telle échéance électorale remplit une fonction de miroir idéologique. Elle, la télévision (de masse), intériorise, digère et renvoie tous les codes qui structurent les rapports sociaux. En ce sens, elle suit les évolutions idéologiques qui traversent la société et en les suivant, elle les amplifie probablement. Nous voici assez loin -mais peut-être pas si éloignés en fin de compte- de savoir pour qui voter au prochain scrutin.

Allons, chacun de nos maîtres des media voudrait sans doute  se voir en mini Citizen Kane.  Par delà leurs intérêts financiers bien réels ils se fourvoient tous. Big Brother, version télévision, est et restera, c’est heureux, aux abonnés absents.

Sylvain Gouz

29 juillet 2015

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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