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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Faire face à la fronde anti-impôt

 

« Moins d’impôts et de taxes et davantage de services publics », « diminuez les dépenses de l’Etat et aidez les gens à vivre mieux », « arrêtez de verser des milliards aux entreprises et augmentez les salaires » « protégez-moi de la fin du monde et aidez-moi à finir le mois »… autant d’injonctions paradoxales ou, si l’on préfère de revendications contradictoires qui vont donc être soumises au grand débat démocratique promis pour ces prochains jours.

Si l’on veut bien remonter à la racine profonde du « giletjaunisme », on trouve le sentiment de l’injustice. Injustice sociale, territoriale et surtout fiscale. De ce point de vue, le remarquable dossier consacré aux Français face à la fiscalité publié par LE MONDE (édition du 23 novembre) est édifiant : au -delà des jugements négatifs sur la suppression de l’ISF et sur la substitution cotisations sociales /CSG, il en ressort surtout une montée inquiétante du refus de l’impôt : « A peine plus de la moitié des Français considèrent que payer ses impôts reste un acte citoyen » constate l’éditorialiste du quotidien du soir.

De la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1793 à l’adoption d’un impôt progressif sur le revenu à la veille de la guerre 14, la fiscalité a été un des piliers sur lequel se sont construites à la fois la Nation et la République. Ce pilier s’est lézardé. Et c’est précisément un des ressorts principaux du « giletjaunisme » contemporain.

Délégitimation de l’impôt et injustice fiscale?

La fiscalité d’Etat, dans son ensemble, a pratiquement toujours été et demeure très inégalitaire. Ceci explique sans doute la défiance dont elle est l’objet.

 Certes il existe un impôt sur le revenu progressif (72,5 milliards soit un quart des recettes du budget de l’Etat) ; le taux du prélèvement augmente avec le revenu imposable d’où un effet de justice ou de redistribution si l’on préfère. Effet cependant limité par un taux maximum de prélèvement de 45% (au-delà de quelque 160 000 €) et surtout par la petite centaine de « niches fiscales » qui permettent de contourner l’imposition.

En face, ou à côté, la TVA (154,6 milliards plus de la moitié de ces recettes, un impôt « intelligent » créé par Giscard d’Estaing) est particulièrement inégalitaire. En ce sens qu’elle porte sur les dépenses de consommation dont la part décroît dans les revenus des ménages lorsqu’on monte dans l’échelle des revenus. Même si les taux sont différenciés entre produits dits de première nécessité, produits « normaux » et produits dits de luxe.

Manière de dire qu’un smicard dont la totalité de ce dont il dispose passe en dépenses de consommation va payer en proportion de ses revenus très largement plus que ceux qui mettent de côté en placements divers une bonne part de leurs ressources. Comme ces 1% des ménages français dont le revenu mensuel moyen s’élevait (en 2015), selon l’INSEE, à plus de 8 300€ par mois ou ces grands patrons qui gagnent plus de 10 000€ par jour !

Enfin, la CSG,  (74 milliards en 2017 qui vont à la protection sociale), se situe un peu entre les deux en termes de justice fiscale. Ce n’est pas un prélèvement progressif mais proportionnel : son taux est le même quel que soit les revenus sur lesquels elle s’applique, mais elle porte sur tous les revenus, y compris ceux du capital.

Au total, la partie redistributive de la fiscalité est donc très faible.

François Hollande, sans doute est-ce là son péché originel comme Président, avait promis -alors candidat à la candidature socialiste et bien évidemment avant d’être élu- une grande réforme fiscale qui n’a jamais eu lieu. Peut-être le secrétaire général adjoint de sa Présidence, un certain Emmanuel Macron, n’est-il pas pour rien dans ce qu’il faut bien appeler un reniement.

Quitte à radoter face à ceux qui lisent ces écrits depuis longtemps, il s’agissait, il s’agirait toujours, et encore davantage aujourd’hui, de marier CSG et impôt sur le revenu (débarrassé de niches fiscales) pour construire un grand impôt progressif qui s’appliquerait à tous les revenus.  Cette réforme a été proposée et théorisée voici déjà quelques années, en 20111, dans un ouvrage remarquable par trois économistes (dont l’incontournable Thomas Piketty). On se reportera avec bonheur au site dédié à cette  « révolution fiscale » .

Un tel projet, dont le prélèvement à la source ne serait qu’une préface nécessaire, est toujours d’actualité, plus encore aujourd’hui si l’on veut donner du grain à moudre à cette grande consultation démocratique qui pointe à l’horizon.  Ainsi sortirait-on de ce fameux paradoxe qui voudrait qu’il faille « tout changer pour que rien ne change » (LE GUEPARD film deVisconti / livre de Lampedusa).

Sans doute une telle réforme fiscale est-elle d’une grande complexité et demande-t-elle à être expliquée dans ses modalités comme dans ses effets.  Mais est-ce trop demander à la démocratie ?

 

Sylvain GOUZ

(16/12/2018)

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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