Un échec économique peut en cacher un autre,
de celui de Hollande à celui de Fillon
Derrière l’adieu aux armes (programmé) du Président de la République apparaît à l’évidence l’échec de sa politique économique, toute entière fondée sur deux piliers : la diminution des déficits publics et la politique de l’offre.
Justifiée, en tout cas expliquée et excusée, par la règle européenne des 3% de
déficit public qu’il fallait à tout prix –c’est le cas de dire- respecter,
l’austérité budgétaire a largement pesé sur l’économie française. En
restreignant la capacité de l’Etat d’investir massivement et d’entraîner ainsi
le reste de l’activité, ces restrictions pesant ces deux dernières années
également sur les collectivités locales. Et puis en ponctionnant les
particuliers, avec un surcroît d’impôt direct qui, faute d’une réelle réforme
fiscale, a atteint pour une large part les classes moyennes.
Le paradoxe veut qu’aujourd’hui, dans la bouche de Christine Lagarde, à la tête
du FMI, comme dans celle de Pierre Moscovici, commissaire européen en charge des
affaires économiques et financières, ce dogme des 3% a atteindre absolument est
remis en cause au vu des dégâts qu’il a causé, en Grèce, au Portugal, en
Espagne… et plus généralement pour la croissance économique européenne.
Où est le million d’emplois promis ?
L’autre pilier sur lequel s’est reposée la politique
économique menée depuis 2014, c’est la politique dite de l’offre. Autrement dit
l’idée qu’en baissant le coût du travail pour améliorer la compétitivité des
dites entreprises et en leur allouant des milliards sans réelle condition, on
allait tout à la fois faire baisser le chômage par des embauches massives (le
million d’emplois promis par Pierre Gattaz Président du MEDEF !!), doper les
exportations, accélérer l’investissement et du coup faire repartir la
croissance.
Circonstance aggravante, ces quelque 35 milliards apportés par le CICE et le « pacte de responsabilité » sont venus pour l’essentiel -à hauteur de 20 à 25 milliards- de la poche des ménages qui, de ce fait, ont modéré, pour le moins, leur consommation.
Il faut le dire, cette politique de l’offre n’a pas marché. Dopée par des
crédits publics, les entreprises qui n’ont pas vu leurs débouchés s’accroître
pour autant, n’ont guère accéléré l’embauche, sinon très modérément depuis la
mi-2015, tandis qu’après un léger mieux en 2015-2016, leurs investissements
plafonnent. Quant au chômage, certes en baisse ces derniers mois, il bénéficie
surtout du plan de formation massif (en soi plutôt une bonne chose) qui éloigne
ceux qui en bénéficient des guichets de pôle emploi. Et la croissance, elle
aussi fait du surplace 1,2% en 2016 comme en 2015 et à peine plus dans les
prévisions actuelles pour 2017.
Ecrivant ceci, je ne tire nullement sur l’ambulance qui s’éloigne, mais je songe à une autre que l’on aperçoit à l’horizon, celle pilotée par François Fillon. Car quoi qu’il parle de choc de compétitivité et de choc de confiance… et autres formules magiques, le candidat de la droite et du centre chausse les mêmes bottes économiques que François Hollande : austérité budgétaire et politique de l’offre. Certes il prendrait un peu plus de temps pour tenter de rejoindre ces fameux 3% de déficit public, mais la diète budgétaire, loin de s’arrêter, s’amplifierait encore et la politique de l’offre demeurerait l’alfa et l’oméga.
De catastrophe en catastrophe…
Mêmes causes, mêmes effets. Ainsi, une « catastrophe »
passée (le mot est précisément de Fillon pour qualifier le quinquennat actuel)
peut laisser en présager une autre (avec précisément Fillon aux manettes). Car
aujourd’hui, loin de cette politique de l’offre hasardeuse, l’heure est à un
nouveau keynésianisme. Et la leçon nous vient de celui pour lequel on n’éprouve
pas une sympathie immodérée, Donald Trump, qui veut engager les Etats-Unis dans
une politique très ambitieuse de grands travaux, de rénovation et de
modernisation des infrastructures, qui diffusera ensuite dans le reste de
l’économie. Ce serait d’autant plus un exemple à suivre que miser sur les
exportations comme le font les politiques de l’offre, risque de se révéler vain.
Le commerce mondial est en train de se rétracter sous les coups de boutoir
protectionnistes que l’on aperçoit ici et là.
Ce nouveau keynésianisme, joint à l’instauration d’un revenu de base universel et d’une nouvelle étape dans la diminution de la durée du travail, pourrait servir de pierre angulaire à une alternative de politique économique dont on ne perçoit aujourd’hui que les prémisses dans le débat public. Qui voudra en être le héraut ?
Sylvain Gouz
(02/12/2016)