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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Embellie pour la croissance, morne plaine pour l'emploi !

ou pourquoi la "robotisation" peut contrarier la stratégie Hollande-Valls

INSEE, mon bel INSEE ne vois-tu rien venir ? Mais si, Monsieur le Président, la croissance s’accélère, rendez  vous compte : 0,6% au cours du premier trimestre 2015 au lieu des 0,4% prévus et ce après un quatrième trimestre 2014 de croissance zéro. D’où ce commentaire en tête de la note de conjoncture :  « Le PIB croît fortement au 1er trimestre 2015 ».

Sonnez trompettes, battez tambours, la croissance est revenue ! Las, cela pourrait ne pas durer car cette « bonne » performance  (imputable pour une part à la baisse de l’euro et à celle des prix du pétrole) est due pour l’essentiel à la bonne demande des ménages, tandis que le rythme de progression des investissements ralentit, que les ventes à l’étranger plafonnent et que les importations repartent à la hausse. Incertitude sur l’avenir donc.

Mais surtout, ce qui rafraichit l’atmosphère festive provoquée par l’annonce de l’INSEE, c’est que dans le même temps la courbe du chômage n’en finit pas de ne pas s’inverser. Morne plaine ! Arrêtez les flons-flons.

Des profits, des investissements, pas d’emplois

Aux sceptiques -dont je fais malheureusement partie- le Président, son Premier ministre et ses partisans inconditionnels feront valoir d’abord que le redémarrage est le fruit malgré tout de leur politique en faveur des entreprises et de leur compétitivité et ils se réfèreront tout naturellement au fameux théorème de SCHMIDT (du nom du chancelier social-démocrate allemand 1974-1982). A savoir que « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ».

Malheureusement on n’en est pas là, on n’en est plus là. Car ce qui peut nourrir précisément un certain scepticisme c’est que si les marges des entreprises se sont redressées, si les investissements de demain (les chefs d’entreprises prévoiraient de les augmenter de 7% cette année) risquent de ne pas se traduire par des emplois, même après-demain.

Dans les années 70-80, les investissements des entreprises étaient essentiellement des investissements visant à accroître les capacités de production et étaient plutôt créateurs d’emplois. Aujourd’hui, compte tenu de l’évolution rapide des technologies, du recours accéléré à la robotique de production, et surtout de perspectives de débouchés limitées, on peut craindre que les investissements -si investissements il y a- contribuent davantage à détruire des emplois qu’à en créer.

C’est un phénomène qui dépasse la conjoncture actuelle. Une étude d’un cabinet de consultants Roland Berger évaluait, en octobre dernier, à 3 millions le nombre d’emplois qui pourraient être détruits par la « numérisation de la production » à l’horizon 2025. Certes, cette étude n’est qu’une prospective incertaine mais elle a de quoi inquiéter. Inquiétude à moyen terme, les robots s’emparant du travail des hommes (et des femmes),  mais aussi à court terme.

Des robots et des hommes

Pour une entreprise, substituer un robot (on parle de processus numérique /digital process) à un salarié, non seulement peut permettre d’améliorer la production mais surtout donner un sérieux coup de rein à la productivité, autrement dit diminuer les effectifs salariés tout en produisant plus et mieux.  

En outre, les robots, les machines disait-on jusque là, présentent un avantage sur les salariés, elles ne paient pas de charges sociales. Ce à quoi était déjà sensibilisé François Mitterrand qui n’hésitait pas à imaginer précisément de « faire payer les machines ».

Aujourd’hui cette substitution  robot/salarié n’atteint pas que l’industrie. Dans les services également -le commerce, les banques- elle est manifeste : qui n’a pas éprouvé une certaine gêne à scanner lui-même ses achats à la sortie d’un supermarché au lieu de les présenter à une caissière ? ou à faire avaler par une machine des chèques à l’encaissement plutôt que de s’adresser à un guichetier de banque.

Voilà qui bat en brèche le théorème de SCHMIDT : les profits d’aujourd’hui sont peut-être (à la rémunération des actionnaires près)  les investissements de demain, mais ne seront probablement pas les emplois de demain. Et voilà qui fragilise pour le moins la stratégie Hollande-Valls. Y aura-t-il des créations d’emplois à l’horizon 2017 ?

Alors que faire ? Dans la situation actuelle, seule une réduction radicale de la durée du travail pourrait vraiment peser sur le chômage de masse: passer de 35 à 30 heures (avec une compensation salariale limitée aux bas salaires) créerait un appel d’air, disons un « appel  de création d’emplois », comparable à celui des 35 heures qui, lorsqu’on y regarde de près, malgré leurs difficultés réelles d’application ici et là, ont généré quelque 350 000 nouveaux emplois. C’est l’évaluation non partisane de l’INSEE sur laquelle converge la plupart des experts, dont ceux de l’OCDE.

Le partage du travail a mauvaise presse, effet de la doxa imposée par la droite, et donc il  n’est pas à l’ordre du jour, pas davantage que  -pour le répéter une fois de plus- l’institution d ‘un revenu de base pour tous qui à défaut de créer des emplois, rendrait moins insupportable le chômage pour beaucoup. Dommage !

Sylvain Gouz

(14/05/2015)

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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