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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Comment interpréter l’exaspération fiscale?

 

« Immense exaspération fiscale » les grands mots sont lâchés… par le Premier ministre qui se livrait ce lundi à une restitution des dominantes du Grand Débat. Exaspération fiscale, l’expression est certainement bien choisie pour traduire le sentiment éprouvé par nombre de contribuables -en tous cas une majorité de ceux qui ont voulu « Grand-Débattre »- qu’ils n’aiment pas, absolument pas, libeller leurs chèques au Trésor public.

Ce constat n’a rien d’original.  Sans se replonger dans l’œuvre de Jean-Baptiste Say (économiste libéral français du XVIIIème siècle), il n’est qu’à remonter à François Mitterrand, Président de la République qui, peu ou prou contaminé par les thèses d’un économiste américain, Arthur Laffer, affirme un beau jour de 1984 que « trop d’impôt tue l’impôt ». Ou à Laurent Fabius qui, arrivant au Ministère des Finances, à l’orée des années 2000, Jospin Premier ministre, prévoit le « plan d’allégement et de réforme des impôts qui sera le plus ample des cinquante dernières années ». Ultime avatar, le « ras-le-bol fiscal » décrété par Arnaud Montebourg, Ministre de l’économie et des finances de Hollande.

Ne parlons pas de la droite de gouvernement qui n’eut de cesse chaque fois qu’elle accédait au pouvoir depuis trente ans de réduire le poids de la fiscalité… surtout pour les plus aisés.

Prenons donc pour un acquis ce rejet de la fiscalité qui renaît à intervalles réguliers, tel le Phénix... Dès lors quelles conclusions en tirer ?

Moins d’impôts, donc moins de dépenses

Il y a celles très simples -simplistes ?- qui consistent à dire que puisqu’il faut baisser les impôts, il importe tout autant de baisser les dépenses de l’Etat. C’est ce qu’exprime tout benoîtement Bruno Le Maire, le très libéralo-libéral ministre de l’Economie qui fait de la baisse de la dépense publique le préalable à toute baisse d’impôt. Cette antienne de « baisse de la dépense publique » revient à tout propos à droite -Le Maire vient de LR- sans qu’il soit jamais vraiment précisé dans quelles dépenses il s’agit de couper : moins de fonctionnaires, moins de services publics, moins de prestations sociales (pensions de retraites, allocations diverses, du chômage au logement…). On voit bien le penchant de ce type de pensée.

Il y a fort à parier que les « Grands-Débatteurs » ne l’ont pas entendu de cette oreille. Exaspération fiscale certes, mais sauf à avoir mal écouté Edouard Philippe dans sa restitution, il n’apparaissait pas que les thèmes de « trop de services publics » ou de « trop d’allocations » ressortent en tête des préoccupations…

La réforme nécessaire mais improbable

Et pourtant, il y a, il y aurait, une autre interprétation de la tolérance fiscale zéro évoquée par Edouard Philippe, à savoir que la fiscalité est vécue comme fondamentalement injuste/incompréhensible et que, en la mettant en cause, ceux qui se sont exprimés souhaiteraient certes qu’on la modifie en profondeur mais sans pour autant toucher à ce qui fait l’originalité voire la grandeur du modèle social français à savoir son haut niveau de protection sociale.

En apparence il s’agirait injonctions paradoxales. Pas si sûr. Et s’il ne s’agissait que de revenir aux fondamentaux : à savoir à l’art. 13 de la Déclaration de 1789, à savoir que « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. ». L’idée est si pertinente que la formule fut reprise dans le préambule de notre actuelle Constitution. Sans que les leçons en soient tirées…

Bizarrement, et de manière très imméritée, les critiques les plus acerbes se focalisent sur l’impôt sur le revenu, alors qu’il est le seul (avec le défunt ISF) à tenir compte du niveau de revenu (ou de fortune) de celui qui est taxé ; à être, selon le langage techno, un impôt « proportionnel ». Simplement, il est le plus visible. Qui sait vraiment combien chacun verse au trésor public sous forme de TVA alors que celle-ci représente quasiment la moitié des recettes publiques ?

Sans doute le prélèvement à la source va-t-il rendre l’impôt sur le revenu moins visible, et donc plus indolore. Au bout du compte ce ne sera qu’un cautère sur une jambe de bois si l’on ne remet pas sur le métier l’ensemble du système fiscal (impôts et cotisations sociales) pour en faire un dispositif transparent -que chacun puisse comprendre- et surtout marqué du sceau de la justice.

C’est à ce choix entre une entourloupe style Le Maire et une vraie refonte du système fiscal qu’Emmanuel Macron est confronté. Il est à craindre que ce choix soit déjà et vite fait.

 

Sylvain GOUZ

(09/04/2019)

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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