La croissance mollit, revoilà Keynes
D’un côté le Président sortant
de la Banque centrale
européenne, Mario Draghi,
regonfle encore un peu le bol
d’oxygène qu’il donne à
l’économie des pays européens,
de l’autre, Bercy a renoncé,
sans doute sur le « conseil » de
l’Elysée à différentes mesures
susceptibles de limiter le
déficit du prochain budget.
Voici donc le keynésianisme
que l’on avait cru sorti par la
porte qui revient, flambant, par
la fenêtre grande ouverte.
En annonçant ce jeudi une
nouvelle série de mesures dont
une baisse supplémentaire du
taux de dépôt des banques auprès
de la BCE, Mario Dragghi, avant
de laisser son poste à Christine
Lagarde ce 1er octobre, a acté
une sorte de testament : le rôle
essentiel de la BCE est de tout
faire, dans le contexte actuel,
pour favoriser la croissance en
Europe. Et c’est vrai que,
globalement, cette croissance
bat un peu de l’aile ces temps
-ci.
En témoignent les menaces de
récession qui planent sur
l’économie allemande. La plus
importante économie d’Europe,
sorte de locomotive de la
croissance dans la zone euro,
connaît une panne de croissance
(-0,1% pour le PIB) au 2ème
trimestre et on vient
d’apprendre que la production
industrielle a carrément chuté
de 4,2% entre juillet 2018 et
juillet 2079. Même si Angela
Merkel présente un budget 2020
en strict équilibre, le débat
sur la relance est bel et bien
lancé Outre-Rhin. Les
néo-keynésiens relèvent la tête…
Cette bouffée d’oxygène ajoutée
par la BCE à un ballon déjà bien
gonflé aura surtout une portée
symbolique. Mais en économie
comme dans tant d’autres
domaines, tout est symbole.
Autrement dit, lorsque la
croissance mollit, il est plus
que temps de doper les
anticipations positives, tant
chez les industriels que chez
les consommateurs. C’était une
partie de l’ordonnance du
Professeur Keynes.
En France, d’ailleurs, l’exécutif n’avait pas attendu la BCE pour changer de cap. Sous le coup d’une nécessité politico-sociale, Emmanuel Macron avait desserré les freins budgétaires à l’automne dernier face au giletjaunisme galopant. Et, divine surprise, voilà que cette injection de quelque 10 milliards dans l’économie se révèle être un soutien inespéré à l’activité dans notre beau pays : la croissance tient relativement bon avec un +1,4% confirmé pour cette année 2019, une des meilleures performances européennes.
Les rigoristes de Bercy -Le Maire et Darmanin en tête- ont eu beau jeu au printemps dernier de plaider pour récupérer deux milliards par-ci et trois milliards par-là, ils se sont heurtés à des « non » catégoriques de l’Elysée. Pas question ainsi d’infliger un jour de carence (décalage d’un jour pour l’indemnisation des arrêts maladie) aux salariés du privé, et pas davantage question de rogner sur les aides aux entreprises. Le déficit public sera un peu plus élevé qu’annoncé -2,3% au lieu de 2,1%-. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Face à l’urgence du mouvement des urgentistes, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, va devoir revoir sa copie et aller au-delà des 750 millions promis sur 3 ans. Tandis que le plan pauvreté devra largement être abondé pour prendre une réelle consistance.
Bref, Emmanuel Macron qui, par formation comme par tempérament, penchait plutôt vers une politique de l’offre, en donnant la priorité aux investissements des entreprises, effectue, un peu contraint et forcé, une sorte d’aggiornamento en trouvant désormais des vertus à une politique de la demande favorisant le pouvoir d'achat. Mais n’est-il pas vrai que ce qui est bon pour l’économie n’est pas foncièrement mauvais pour les sondages du Président.
Bienvenue Professeur KEYNES.
John Maynard Keynes, économiste du milieu du XXème siècle, professait notamment que l’injection de crédits publics dans l’économie était nécessaire en période de ralentissement économique quitte à faire du déficit...
Sylvain Gouz
(13/09/2019)