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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Le roi est nu, la France dans le collimateur des spéculateurs

Ce jeudi 10 novembre 2011 sera probablement à marquer d'une pierre blanche (ou plutôt gris sombre) pour la France. Le rideau s'est levé et chacun a pu constater que le roi était nu. Autrement dit que la France était désormais dans le collimateur de la spéculation financière.

Certes, il y eut des signes annonciateurs tels que la mise en surveillance par une agence de notation de ce « AAA » dont s'enorgueillissent nos gouvernants. Et ceux-ci de s'agiter en tout sens pour garder cette note qui fait « bon élève de la classe ». Mais cela n'a pas impressionné grand monde, surtout pas les détenteurs de capitaux auxquels le trésor public français est bien obligé de s'adresser pour boucler ses fins de mois.

Les points sur les i

Jacques Attali, de la place éminente qu'il occupe, a osé parmi les premiers, si ce n'est le premier, mettre les points sur les i. Dans un entretien au quotidien économique LA TRIBUNE, précisément ce 10 mai, il dit les choses crûment. Se fondant sur l'évolution de l'écart de taux entre la France et l'Allemagne pour les emprunts à dix ans, il estime que “la dette française correspond à une note BBB+”. Il se montrera un peu plus généreux quelques heures plus tard, interrogé par France-Info, il affectera aux emprunts français un simple double A.

Croissance : de révision en rectification

Il faut dire qu'entre temps la commission européenne a jeté un nouveau pavé dans la mare “en rectifiant la rectification” de la prévision de croissance du gouvernement français. La semaine dernière les députés adoptaient une loi de Finances calée sur une hypothèse de 1,75% de croissance en 2012. Lundi, François Fillon revenait plus sagement à une prévision de 1% pour racler quelques fonds de tiroirs et remettre une couche d'austérité, via la TVA notamment.

Et patatras, voilà que le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, explique urbi et orbi que la croissance française ne dépassera pas 0,6% l'an prochain. On attend donc la nouvelle purge… Puisque la seule logique qui semble prévaloir aujourd'hui consiste à vouloir réduire coûte que coûte le déficit quitte à mettre en roue libre les moteurs de la croissance les uns après les autres. Çà n'en finira pas…

Accès de défiance

Plus techniques et moins imagée que ces spectaculaires notes décernées par les agences, il faut s'intéresser à deux indicateurs cruciaux :

· le taux auquel le trésor public français peut emprunter. Il est passé en un mois de 2,5% à quelque 3,5%, hier. Dans le même temps, l'Allemagne –le modèle chéri du Président- pouvait émettre des emprunts à moins de 1,8%. Ce qu'on nomme élégamment le “spread” -l'écart- entre les taux français et allemand n'a jamais été aussi important. C'est à ce constat que se réfère Jacques Attali.

· la prime d'assurance sur un prêt à l'Etat français. Il s'agit de ces fameux CDS (credit default swap), c'est-à-dire d'assurances sur un défaut de remboursement éventuel d'un débiteur. Pour prêter 10 millions d'euros à la France sur 5 ans, la prime est passée de d'environ 60.000 euros début avril à plus de 170.000 euros début novembre, selon REUTERS. Il aurait dépassé la barre des 200.000 ce jeudi.

Pourquoi cet accès de défiance vis-à-vis de notre pays alors que le gouvernement ne cesse d'adresser des signes de “je vous ai compris” aux marchés ? Après tout la dette publique française (87,6% du PIB) n'est guère supérieure à celle de l'Allemagne (80,1% du PIB).

Défaut de crédibilité

Une première hypothèse, le Marché, tel l'ogre du mythe, veut toujours plus de chair fraîche. Il a eu sa ration de Grèce, sa portion d'Italie, à qui le tour ? La France une proie tentante. Papandréou est sorti du jeu, Berlusconi s'apprête à emprunter une petite porte pour passer en coulisse… suivez mon regard.

Autre hypothèse, moins paranoïaque, ou moins complotiste : le défaut de crédibilité de la politique suivie. Les gesticulations, les proclamations télévisuelles faussement pédagogiques, les affirmations définitives, ne peuvent compenser le côté bricolage et navigation à vue des décisions de politique économique. Méfiance accrue donc ; la prime de risque augmente.

Absence de stratégie

Les gros détenteurs de capitaux ont deux préoccupations dans la vie : le très court terme et le moyen terme. D'un côté les opérations d'allers-retours quasi-instantanées qui permettent d'engranger des différences parfois substantielles. De l'autre la mise de fonds sur une société, un pays à l'horizon de plusieurs années. Mais pour cela il faut pouvoir s'appuyer sur des axes stratégiques forts. Aux yeux des investisseurs, un mini-relèvement de TVA, un gel du barème des impôts ou quelques milliards mis de côté dans le budget, cela relève de l'improvisation, pas d'une vision longue. Nul ne peut apercevoir aujourd'hui un chemin -et lequel- de sortie de crise par le haut pour la France : c'est-à dire de résorption des déficits sans récession. Et voilà le nœud de l'affaire. Ce que pointe fort justement Jacques Attali.

Le message s'adresse sans doute d'abord aux gouvernants français actuels, mais aussi à la gauche française qui n'a pas été tout à fait convaincante sur le sujet. En tous cas jusqu'ici.

 

Sylvain Gouz

(11/11/2011)

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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