Limite et contradiction du macronisme fiscal
Chacun connaît le « un pas en avant, un (ou deux) en arrière », il va falloir s’habituer au « un pas vers les uns, un (ou deux) vers les autres ». Ainsi va le macronisme naissant, qui, « en même temps »,
• entend donner du pouvoir d’achat aux salariés tout en pénalisant les retraités et les non-salariés les mieux lotis,
• veut exonérer de la taxe d’habitation 80% de ceux qui la paient (en commençant par les plus pauvres) tout en fixant à 30% l’impôt sur les revenus de placement ce qui avantage tous ceux dont le taux d’imposition est supérieur à ce pourcentage et pénalise les autres,
• décide d’exonérer d’ISF les détenteurs de patrimoines financiers (par opposition au patrimoine immobilier qui demeurera taxé), ce qui, en première analyse, favorisera les plus grosses fortunes,
• prévoit enfin d’abaisser (progressivement) l’impôt sur les sociétés à 25%.
Difficile dans ces conditions de
voir ou même d’entrevoir une
ligne directrice cohérente dans
la politique fiscale du
gouvernement Philip. S’agit-il
de favoriser les riches ? ou à
l’inverse de lutter contre les
inégalités ? Alors que toute
velléité de réforme fiscale est
passée à la trappe.
Sans doute faudra-t-il attendre
le projet de loi de finances
pour 2018 pour mesurer les
effets de ce cocktail insolite
sur les uns et sur les autres,
et surtout sur les finances
publiques.
Ce qui apparaît dès à présent,
c’est une certaine habileté
tactique. Le Premier ministre
donne-t-il l’impression de
renvoyer aux calendes -disons en
2019- certaines dispositions
fiscales (transfert des
cotisations sociales sur la CSG,
modification de l’ISF), qu’il ne
faut que quelques jours
(pimentés de remontées du
terrain via les députés LREM et
des indications sondagières)
pour que vienne le temps du
rétropédalage.
Ne pas tomber dans le « syndrome
Hollande »
Pour avoir vécu dans son bureau élyséen de secrétaire général adjoint, la montée de la grogne anti-impôt et le sentiment diffus de reniement des promesses électorales, Emmanuel Macron a pris la mesure de ce qu’il advient lorsqu’on heurte l’opinion.
Coûte que coûte, les promesses
n’engageant pas seulement ceux
qui les entendent mais également
celui qui les a formulées, le
Président, soucieux donc
d’éviter le « syndrome Hollande
», a imposé à son gouvernement
et plus directement à son
Ministre des comptes publics,
Gérald Darmanin, de tenir sans
délai et sans barguigner les
engagements du candidat Macron.
Celui-ci, devait déjà trouver 4 à 5 milliards pour boucler l’exercice 2017 essentiellement en mettant les ministères dépensiers à la diète. Du coup, il lui faudra désormais financer les « largesses fiscales » imposées par le Président pour 2018 avec toujours l’impératif de limiter les déficits à 3% de déficit (impératif absurde sur le plan strictement économique, mais utile pour l’aura européenne d’Emmanuel Macron).
Ainsi la préparation de ce
budget 2018 s’apparente-t-elle à
des travaux d’Hercule. pour
Gérald Darmanin qui peut se
demander matin et soir s’il a
fait le bon choix en acceptant
ce portefeuille ministériel.
Comme quoi, le « en même temps
», s’il présente quelque
avantage d’opportunisme
politique, atteint vite ses
limites, voire ses
contradictions.
Sylvain GOUZ
(11/07/2017)