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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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De la monnaie-hélicoptère au revenu d’existence

Non vous ne rêvez pas. Bientôt, peut-être, en lieu et place de la pluie, de la grêle voire de la neige qui ont ponctué cet hiver, chacun va voir s’abattre sur lui des liasses de billets de 50 euros (ou plutôt de chèques à multiples zéros). C’est ce que les économistes -avec leur sens aigu de la poésie- appellent de la monnaie-hélicoptère.

Ce n’est pas un gag pour égayer ce temps de confinement, l’idée fait son chemin depuis des mois et la crise financière induite par la crise sanitaire donne au débat une actualité accrue.

De quoi s’agit-il ? Aujourd’hui, pour faire face à tous les besoins de financement engendrés par covid, les banques centrales, à commencer par la Banque Centrale Européenne (BCE), inondent le marché bancaire (celui des banques commerciales) de liquidités, en même temps qu’elles se préparent à racheter à tour de bras les dettes des Etats qui s’endettent. Ainsi la BCE a-t-elle sorti de sa manche une enveloppe de 750 milliards d’euros.

Ces centaines de milliards vont être utiles à n’en pas douter pour financer les efforts budgétaires que les Etats, par exemple la France, sont amenés à engager pour indemniser le chômage partiel, décaler les obligations fiscales et sociales des entreprises… et préparer le redécollage de l’activité économique, une fois gagnée la guerre contre le virus.

Mais tous ces milliards pourraient, selon les partisans de la monnaie-hélicoptère, être plus utiles si, au lieu de passer par les canaux des banques et des budgets nationaux, ils étaient directement distribués aux citoyens, à ceux de la zone euros pour évoquer notre situation. Ce serait la distribution de monnaie-hélicoptère par la banque centrale.

L’avantage serait multiple, tout d’abord, permettre aux confinés aujourd’hui de voir venir les semaines /mois à venir sans trop d’angoisse financière, ensuite éviter les « pertes en ligne » constitués précisément par le détour via les banques et les budgets nationaux, et enfin préparer la relance économique ultérieure en ayant dopé la demande des citoyens/consommateurs.

De manière paradoxale, c’est des Etats-Unis qu’est venue la première distribution de monnaie-hélicoptère. Chaque Américain devrait recevoir un chèque de 1 000 à 1 200 dollars dans le cadre de l’enveloppe globale de 1 000 milliards de dollars annoncée par Trump. Il faut dire que le concept de monnaie-hélicoptère vient du chantre du libéralisme à-tout-va, Milton Friedman.

En réalité, dans le cas américain, il ne s’agit pas de « monnaie-hélicoptère » stricto sensu puisque la distribution générale de ces 1 000 dollars sera financée par le budget fédéral et non par la banque centrale (la federal reserve) ce qui est le principe même de la monnaie héliportée. Mais l’idée demeure de préparer le redécollage de l’économie par la demande en donnant des liquidités aux consommateurs.

L’imagination au pouvoir
 

En Europe, le débat fait rage entre économistes et même entre politiques. Les principaux reproches faits à la monnaie-hélicoptère tiennent d’une part à ce que les principales « victimes » économiques du confinement sont les entreprises (exclues par principe de la distribution par hélicoptère, mais qui auront besoin de la demande des consommateurs pour redémarrer) et d’autre part que, parmi les bénéficiaires de cette manne venue du ciel, figureraient aussi bien les chômeurs et les smicards que les grandes fortunes et les hauts revenus.

Ces objections sont valables, surtout la seconde, qui pourrait être levée en excluant de la distribution aéroportée les ménages disposant de revenus supérieurs à un certain plafond.

Cela étant, l’idée de monnaie-hélicoptère rejoint d’une certaine façon celle, carrément structurelle, de revenu universel d’existence. L’intérêt d’un tel revenu universel, institutionalisé et donc pérennisé bien au-delà de cette crise coronavirus, serait qu’il conduirait à un « jour d’après » fondamentalement nouveau.

Le revenu universel d’existence permettrait, comme on l’a souvent indiqué, d’éradiquer la pauvreté qui gangrène nos sociétés, de modifier radicalement notre rapport au travail ou encore de réduire drastiquement les inégalités.

De multiples côtés déjà, les réflexions sur le « jour d’après » fleurissent. En dépit des réticences de ceux qui voudront retrouver leur mode de vie d’avant, il paraît certain que demain ne ressemblera pas à hier... en meilleur ou en pire. Nous revoici donc à un moment ou plus que jamais en tous cas depuis mai 68- l’imagination peut et doit être au pouvoir. La monnaie-hélicoptère n’en est qu’un premier indice.

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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