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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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Budget 2026

Un peu plus de justice fiscale SVP

 

« Trop d’impôt tue l’impôt », l’ affirmation péremptoire n’a pas fini de resurgir dans le débat budgétaire français. La formule est attribuée à l’économiste américain Arthur LAFFER voici une cinquantaine d’années, mais certains la font remonter bien avant, dans la bouche de Barthélémy de Laffemas, un  conseiller du roi Henri IV.

LAFFER a pour lui de l’avoir illustré d’une courbe en cloche -la courbe de LAFFER- qui montrerait qu’au-delà d’un certain taux d’imposition, la taxation a des rendements décroissants.

« Trop d’impôt tue l’impôt », cet aphorisme a décidément la vie dure :  de François Mitterrand en second septennat à Pierre Moscovici actuel président de la Cour des comptes et ministre des Finances sous François Hollande; j’en passe et des meilleurs.

Cette fois c’est François Bayrou, l’actuel Premier ministre, qui vient de nous resservir ce plat recuit lors d’une  opération de communication destinée à préparer les esprits à un nouveau « tournant de la rigueur » : rien que 40 milliards à trouver pour le budget 2026  sans « impôts nouveaux ».

Et d’entonner la ritournelle habituelle et toujours sans fondement réel à savoir que la France détiendrait le record mondial des prélèvements obligatoires.

Le théorème « trop d’impôt tue l’impôt » a ceci de particulier qu’il n’a jamais véritablement été démontré. Il est même contesté par de nombreux économistes éminents dont Thomas PIKETTY.

L'échappatoire des niches fiscales

Si l’on raisonne un peu, il convient de considérer que ce qui importe véritablement d’ailleurs, ce ne sont pas les niveaux globaux de la fiscalité. Les Français acquittent la TVA sur tous leurs achats sans se douter, pour plupart d’entre eux, qu’ils contribuent ainsi à ces fameux prélèvements obligatoires.

Ce qui est ressenti par les contribuables, ce sont avant tout les impôts directs : impôts sur le revenu et CSG/CRDS qui pourtant, au total, ne représentent que quelque 20% de la fiscalité globale.

Regardons l’impôt sur le revenu qui attire toute l’attention. D’abord il ne concerne directement qu’un foyer sur deux, celui que l’on baptise « imposable ». Ce qui ne veut pas dire que les autres, les non-imposables, ne le regardent pas d’un regard méfiant craignant de devenir un jour -qui sait ?- imposables.

Ensuite, cet impôt sur le revenu présente l’apparence d’un outil de réduction des inégalités. Du fait qu’il est « progressif » à savoir construit en « tranches » :le taux d’imposition augmente pour les revenus situés dans chacune de ces tranches. Ainsi pour 2024 -pour un célibataire- les revenus inférieurs à 11 497 €  sont exonérés, tandis qu’au sommet de la pyramide, la part des revenus supérieurs à 180 294 € font l’objet d’une taxation à 45%.

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                                Source : service-public.fr

Pour s’en tenir à ce seul impôt sur le revenu, il apparaît selon plusieurs études (Institut des politiques publiques  ou un rapport récent de l’Assemblée nationale notamment) que tout en haut de la pyramide le taux d’imposition  « réel » descend à 26%. Non pas parce que « trop d’impôt tue l’impôt » mais plutôt parce que « quand le revenu est au plus haut,   il échappe à l’impôt ». Un nouveau théorème…

Les raisons -légales- de ces échappatoires  sont assez simples. Elles vont du prélèvement forfaitaire (de 30%) sur les revenus du capital) -la fameuse flat-tax introduite par MACRON dès son arrivée à l’Élysée- à l’utilisation systématique et récurrente des niches fiscales.

De quoi s’agit-il, que sont ces niches fiscales pudiquement baptisées « dépenses fiscales » par BERCY ?

Ce sont des exemptions partielles ou totales d’impôt sur le revenu qui vont de l’achat d’un bien immobilier destiné à la location à l’investissement dans les DOM-COM  (les départements et collectivités d’outre-mer) sans compter les 10% d’abattements au bénéfice des retraités qu’il serait, dit-on, question de supprimer...

On en décompte près de 500 de ces niches fiscales dont profitent les particuliers  ce qui représenterait au bas mot 80 milliards par an, le double de ce que veut « économiser » le gouvernement.

Une note de la Cour des Comptes datant de 2023, englobant les avantages fiscaux (encore des niches) destinés aux entreprises, « recensait 465 dispositions fiscales dérogatoires qui correspondent à une diminution de recettes de l’Etat d’environ 94 milliards d’euros (soit 29,1 % des recettes fiscales nettes de l’Etat) »

Certes, tout n’est pas à jeter dans ce salmigondis. Certaines niches sont même fort utiles comme celles concernant les dons aux associations, ou les aides à la rénovation énergétique des bâtiments… d’autres sont plus discutables, notamment celles utilisées par les contribuables les plus aisés, citons : 

-          l’investissement dans un plan d’épargne en action avec exonération d’impôt sur les plus-values après 5 ans

-          l’investissement  dans un immeuble classé ou un bien ancien à rénover (dispositif initié par MALRAUX)

On est bien  loin des déductions au bénéfice des tailleuses de pipes de Saint-Claude ou des cultivateurs de truffes -je n’ai bien évidemment rien contre elles ni contre eux-.

Au-delà de ces petits (et grands) arrangements avec la fiscalité, les contribuables du haut du panier utilisent aussi des moyens moins légaux tels que fixer sa résidence fiscale à l’étranger ou laisser prospérer leurs « économies dans des holdings ad hoc…

La valse des taux et du barème

Concernant toujours l’impôt sur le revenu et plus fondamentalement se pose la question des taux d’imposition en relation avec les tranches du barème de l’impôt (cf. le tableau ci-dessus).

Un flash-back rapide sur le taux applicable aux revenus situés dans la plus haute tranche d’imposition, celle dans laquelle se retrouvent les plus aisés de nos concitoyens:

Entre 1949 et 1974, il est fixé à  60%. Sous MITTERRAND, en 1986, on passe à 86%. Puis BALLADUR le ramène à 56,8% en 1994. En 2007 nouvelle baisse à 40%. HOLLANDE (qui voulait, en vain, un taux de 95%) se limitera à remonter le taux  de la tranche supérieure à 45%, ce qu’il est resté aujourd’hui et sans doute demain si l’on en croit le Premier ministre…Songeons qu'aux Etats-Unis, lors du New Deal, Roosevelt avait porté le taux de taxation de la plus haute tranche à 95%  .

Ainsi, faire le ménage dans les niches fiscales (ce qu’entreprend, dit-elle,  la Ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin) ce serait bien mais constituerait un tout petit pas pour faire de l’impôt  non seulement un moyen de mieux financer les dépenses publiques mais aussi d’aller vers davantage d’égalité.

L’égalité de traitement  entre les contribuables, voilà  la condition essentielle du consentement à l’impôt…

Sylvain GOUZ

24/04/2025

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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