Première question : qu'est-ce que la compétitivité ? Pas de réponse simple. Etre compétitif, c'est proposer un prix moindre que son concurrent pour le même produit. L'ennui, c'est qu'entre la France et l'Allemagne, ce sont rarement les mêmes produits qui sont face-à-face. Et qu'en plus, à côté du produit lui-même, il y a la réputation, le « made in Germany » face au « made in France »…
Les prémisses de l'analyse de l'institut économique patronal se veulent éloquents :
« En 1990, les exportations françaises étaient égales à 55% des exportations allemandes. Elles n'en représentent plus aujourd'hui que 40%. »
Derrière ce constat, une affirmation :
« La France a perdu au cours des années récentes le seul avantage comparatif qui était le sien, celui de prix moins élevés. »
Et voilà pourquoi votre fille est muette… Pour retrouver de la compétitivité, les entreprises françaises doivent avant tout voir leurs coûts diminuer. Et pour diminuer ces coûts, une belle et bonne solution : baisser les charges des entreprises [au passage, ces savants calculs font l'impasse sur les multiples exonérations de charges dont bénéficient aujourd'hui les entreprises qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros] – en clair les cotisations sociales payées par les employeurs – et faire reprendre le flambeau de cette partie du financement de la protection sociale par les consommateurs en augmentant la TVA et par les contribuables en donnant un coup de pouce à la CSG.
Pour être complet, le raisonnement voudrait que les ménages s'y retrouvent, les entreprises étant censées baisser leurs prix grâce aux allégements de charges.
Travaux pratiques dans la restauration
Une objection se présente immédiatement qui nous fait regretter
de ne pas vivre au pays des bisounours.
Qui peut croire qu'un allègement de charges se traduirait par une
baisse des prix, ou permettrait de créer des emplois ? Les travaux
pratiques ont été probants, grandeur nature, avec la baisse de la
TVA dans la restauration. On allait voir ce qu'on allait voir… et on
a vu que pour l'essentiel les prix n'ont pas vraiment baissé (moitié
moins que promis), les salaires n'ont pas vraiment grimpé, pas plus
que les embauches (13 000 emplois supplémentaires) et que l'addition
s'est révélée très salée pour le budget (3,2 milliards d'euros par
an). C'est ce qu'estimait la très rigoureuse Cour des Comptes dans
un rapport d'octobre 2010.
De la sorte, on ne peut pas davantage imaginer que le consommateur s'y retrouve. Car la hausse de la TVA proposée par le patronat (« Revoir le taux réduit, créer un taux intermédiaire ») risque d'être l'occasion d'une joyeuse valse des étiquettes (et un bon stimulant pour l'inflation).
Il y aurait donc une atteinte supplémentaire au pouvoir d'achat. Complétée, si l'on ose dire, par l'augmentation envisagée de la CSG – mais au fait qui a dit qu'il n'augmenterait pas les impôts ? -.
Sans compter le fait que, comme chacun sait, la TVA -impôt sur la consommation- demeure un impôt particulièrement injuste : les ménages les plus pauvres la paient de plein fouet puisqu'ils consacrent tous leurs revenus à la consommation n'ayant pas de capacité d'épargne, alors que ceux qui ont des revenus élevés ne voient soumis à la TVA que leurs dépenses de consommation, leur épargne en étant exemptée. Une sorte de mécanique de redistribution à l'envers.
Récapitulons :
- on ne saurait réduire les écarts de compétitivité à la seule problématique des prix (ce que REXECO-COE admet du reste dans un deuxième temps)
- une baisse des charges patronales compensée par une hausse de la TVA, et une augmentation de la CSG profiterait avant tout aux marges des entreprises (« le beurre et l'argent du beurre »)
- les effets indirects seraient en premier lieu de pénaliser le pouvoir d'achat des ménages, à commencer par les plus pauvres, et donc de freiner la consommation et de ralentir encore un des moteurs de la croissance
Pour autant, financer la protection sociale plutôt par l'impôt que par un prélèvement sur les salaires est loin d'être une absurdité. Dans l'absolu, ce serait même recommandable puisqu'alors seraient mis à contribution l'ensemble des titulaires de revenus (revenus du travail et revenus du capital). Mais le passage d'un système à l'autre est complexe. Pour être équitable, il suppose notamment que basculent également les cotisations sociales payées par les employés (ce qui donnerait un large coup de pouce aux salaires) et surtout que le financement par l'impôt soit redistributif dans le bon sens du terme, c'est-à-dire largement assis sur l'impôt sur le revenu -sans « bouclier » est-il besoin de le préciser-.
Sylvain Gouz
(24/01/2011)