Plutôt relever l’impôt sur le revenu que baisser la TVA ou revenir à l’ISF
Suppression de la TVA sur les produits de base, réintroduction de l’ISF, les premières percées du « grand débat » que ce soit lors des réunions populaires ou via internet font ressortir en tête ces deux items au chapitre de la fiscalité. Mais l’un comme l’autre sont en réalité des leurres.
Supprimer la TVA sur les produits de base (elle est aujourd’hui de 2% sur la pharmacie, les journaux et les spectacles, et de 5,5% sur les produits alimentaires, la restauration, le gaz et l’électricité…) serait évidemment impressionnant sur le plan symbolique, beaucoup moins sur les porte-monnaies des consommateurs. Chaque fois qu’un taux de TVA a baissé, ce sont pour l’essentiel les commerçants ou prestataires qui ont empoché la différence. Dernier exemple en date : la baisse des taux sur la restauration. Intervenue en juillet 2009 cette baisse a fait passer le taux de TVA de 19,6% à 5,5%. A l’arrivée selon une enquête très minutieuse, le « bénéfice » de cette baisse s’est répartie de la façon suivante : 9,7% pour les clients via les prix affichés, 18,5% en faveur des salariés (ce qui était un des objectifs de l’opération) et… 55,7% pour les marges des patrons de restaurants, le reste allant aux fournitures diverses. Comme me note l’Institut des Politiques Publiques à l’origine de cette enquête « La réduction de la TVA de juillet 2009 sur les restaurants avec service à table devait être partagée à parts égales entre les propriétaires de restaurant, les clients et les employés ; elle a essentiellement profité aux propriétaires, car les prix ont faiblement diminué après la baisse de TVA. ».
A l’inverse, par parenthèse, on notera que les hausses de taux de TVA sont toujours répercutées et au-delà sur les prix affichés.
Venons-en à l’impôt sur la fortune dont on a écrit dans ces colonnes qu’il ne méritait ni honneur ni indignité. N’y revenons pas si ce n’est pour pointer que, dans tous les cas, les quelques milliards qu’il serait susceptible d’apporter ne suffiraient sans doute pas à rassasier ce besoin de justice fiscale qui se manifeste aujourd’hui. On ne se nourrit pas que de symboles.
Alors quoi, revenons aux sources de notre démocratie, à la Déclaration de 1789 reprise dans le préambule de notre actuelle Constitution, et plus précisément à son article13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. ».
Observons que ce précepte n’est nullement respecté par notre système fiscal actuel, puisque, la TVA -précisément le plus lourd de nos impôts – n’est absolument pas « également répartie » frappant en définitive plus les ressources des pauvres que des riches. et ne parlons pas des fameuses "niches fiscales" qui permettent aux plus astucieux, ou au mieux conseillés, de s'exonérer de l'impôt sur le revenu.
Créer des nouveaux taux ou fusionner avec la CSG
Alors pointe aujourd’hui, ici et là, l’idée de relever le taux maximum de cet impôt sur le revenu. Ce taux est aujourd’hui de 45% sur la fraction du revenu (annuel) qui dépasse 156 244 € pour un célibataire. L’idée serait de créer une voire deux tranches nouvelles pour les revenus encore supérieurs. Cela ferait sans doute hurler dans les beaux quartiers mais il faut se souvenir qu’en 1983 le taux maximum de l’impôt, sur la tranche la plus élevée du barème, était de 60% et encore de 56,8% en 1994. Et puis jetons un coup d’œil outre-Atlantique où la proposition démocrate d’un taux marginal à 70% recueille les hourrahs de la foule et des sondages.
Il conviendrait pour davantage d’efficacité d’aller au-delà en mettant enfin en œuvre la fusion impôt sur le revenu/CSG pour en faire un grand impôt « progressif » (et donc redistributif) qui s’appliquerait, comme la CSG, au premier euro perçu et serait prélevé, comme l’impôt sur le revenu actuel, avec des taux dits proportionnels, qui augmentent avec les revenus. Le prélèvement à la source peut être considéré comme une première étape de ce point de vue.
Avec un tel dispositif, nul besoin de relever les taux pour aller vers plus de justice fiscale. Les classes moyennes seraient dans leur grande masse épargnées par les changements et la contribution commune… serait enfin également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Sylvain GOUZ
(01/02/2019)