journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.
MEDIΔGOUZ
Primaire de droite, une affaire de casting : avantage au vieux sage
S’il y a un enseignement à tirer de l’avance prise à ce jour par Alain Juppé dans la compétition pour la primaire de la droite (et du centre), c’est l’appétence pour le rôle de « vieux sage ».
Car, à y regarder d’un peu près, en mettant de côté un instant l’anti-sarkozisme éruptif d’un bon nombre de participants présumés de cette primaire, les programmes des uns et des autres, c’est un peu bonnets blancs et blancs bonnets avec peut-être un bémol pour Nathalie Kosiusko-Morizet qui a pimenté le sien d’un peu de bon sens.
Ces programmes sont clairement teintés par un libéralisme économique assez classique, avec des dosages variant à la marge, sur la diminution de la dépense publique (entendons par là les coupes claires dans les services publics), une liquidation des fonctionnaires par centaines de milliers un allègement supplémentaire du « coût du travail », un aménagement du code du travail auprès duquel la loi El Khomeri fait figure de douceur acidulée, un relèvement de l’âge de départ à la retraite, la suppression de l’ISF (tout un symbole), l’allègement de la fiscalité sur les moyens et hauts revenus…. Du coup, les compétiteurs -y compris Sarkozy qui se veut à peine plus brutal- se comportent comme des compères qui avancent groupés dans la même direction en se querellant juste ce qu’il faut pour se distinguer des autres afin que soit désigné par le public ‑leur public- le chef de meute à la fin de la représentation.
Distribution des rôles plutôt que des programmes
Tout (ou presque) serait donc affaire de casting, tant les nuances entre les programmes sont ténues: alors regardons de plus près ce casting :
A tout seigneur… Juppé : il fut, il ya bien longtemps, un sous-chef apprécié du chef de l’époque qui disait de lui «c’est le meilleur d’entre nous », mais alors, il fut tellement dur et rigide dans son comportement qu’il entraîna l’ensemble des troupes qu’il dirigeait « en second » dans le précipice. Depuis lors, son cuir se tanna, ses angles aigus s’arrondirent quelque peu. L’âge venant, la posture du « vieux sage » lui va comme un gant.
Sarkozy, lui, fut déjà chef il n’y a pas si longtemps. Dans une autre saison de la série -entendons le quinquennat 2008-2012-, la quasi-totalité des autres compétiteurs ont été ses serviteurs zélés. Il pense de ce fait être « au dessus de la mêlée ». Mal lui en prend car ses anciens obligés, gourmands de rebellion contre leur ancien patron, ne cessent de lui mordiller les mollets. Il voudrait bien reprendre son rôle d’antan qui lui valut tant d’applaudissements, mais apparemment le public s’est lassé et le personnage ne séduit plus qu’un cercle restreint. Retour vers le passé…
Fillon rêve d’incarner lui aussi le « vieux sage ». Outre le fait que la place est déjà occupée, il a contre lui les cinq années durant lesquelles il a courbé l’échine sous Sarkozy. Mais il connaît les ficelles du métier et joue son personnage actuel avec un certain panache.
Lemaire a choisi lui, d’emblée, le personnage du jeune premier (pas si jeune enfin…) qui veut envoyer les autres en maison de retraite. Son handicap majeur est que précisément les spectateurs sont peu sensibles à l’innovation et semblent préférer la sécurité, autrement dit les acteurs qu’ils ont déjà vu figurer dans plusieurs des saisons précédentes.
Kosiusko-Morizet, au delà de l’avantage que lui procure le fait d’être la seule femme dans la course, a choisi d’être celle qui fait entendre une musique différente, plus rythmée. Elle ne concoure pas vraiment pour le titre -elle le sait- mais misant sur l’avenir, elle dessine le seul personnage un peu coloré de la séquence. Succès d’estime mais pas au-delà.
Coppé, lui aussi sait qu’il n’arrivera pas en finale. Dans le groupe il joue l’animateur, celui qui balance des vacheries sans en avoir l’air. Surtout à destination de Sarkozy avec qui il pense avoir quelques comptes (Pygmalion, etc.) à régler. De fait sa partition parasite quelque peu celle de l’ancien chef qui rêve de le redevenir.
Poisson, enfin, semble se trouver là un peu par hasard. Martien égaré, il ajoute du bruit au bruit de fond sans que quiconque écoute vraiment ce qu’il dit.
Et le gagnant est, à ce jour… Juppé. Autrement dit le vieux sage dont la tête est connue, qui dit rarement un mot plus haut que l’autre, à qui on pardonne des lapsus malheureux, et dont l’apparente rondeur masque un peu les ambigüités, pour ne pas en dire plus, de ses projets.
Voici quelques mois, Juppé attirait même la sympathie de vrais militants de gauche. Ceux-ci y ont renoncé pour la plupart au vu du programme franchement inscrit à droite du maire de Bordeaux. Aujourd’hui encore, cependant, à gauche, on se dit que ce sera assez aisé de mettre un bulletin Juppé dans l’urne du second tour de la présidentielle face à Le Pen, alors que voter pour Sarkozy constituerait une autre paire de manches.
Prime au vieux sage donc.
Sylvain GOUZ
(06/11/2016)
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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...