journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.
MEDIΔGOUZ
Pauvreté des jeunes : un rapport de plus ?
C’est une sorte d’étoile qui serait tombée dans un trou noir. Autrement dit, le rapport 2021 du Comité d’évaluation de la stratégie nationale pour la prévention et la lutte contre la pauvreté n’a pas fait les grands titres dans la plupart des media, Le Monde et Libération exceptés. A leur décharge l’intitulé de cet organisme, placé auprès du Premier ministre n’était pas de nature à attirer leur regard ou à susciter leur intérêt. Et c’est bien dommage.
Au-delà du constat, déjà relevé par l’INSEE, d’un accroissement de la pauvreté sous l’empire de la pandémie (le seuil des 10 millions de pauvres en France est désormais franchi), ce document important dresse un bilan sans complaisance des actions menées dans la lutte contre la pauvreté. Une lutte érigée en priorité, en « stratégie », par Emmanuel Macron en septembre 2018. Il affichait alors un plan comportant pas moins de 35 mesures pour mettre un frein, sinon un terme à ce que le Président de la République décrivait alors comme un « scandale ».
Mais avant d’en venir à ce bilan 2021, il faut absolument lire ou relire la présentation de cette stratégie par Emmanuel Macron en 2018. Presque tout est dit. On aurait du mal à faire mieux.
Le
problème pour les pauvres d’abord, pour nous tous ensuite et pour le Président
de la République en particulier c’est qu’il y a comme souvent une distance
certaine entre les mots et les actes. Qu’on en juge :
Sur les trente-cinq mesures annoncées en 2018, quatre ont été intégralement
mises en œuvre, deux sont passés à la trappe, une est dans un brouillard
insondable et l’état d’avancement des vingt-huit restantes est jugé très inégal
par le comité d’évaluation présidé par Louis Schweitzer.
Sans recension ici de celles-ci ou de celles-là, il faut porter l’attention sur les nombreuses préconisations regroupées en thématiques[1] qui concluent le rapport du comité et en particulier sur deux d’entre elles.
Non-recours et RSA-jeunes
D’abord sur la nécessité de mettre un terme à ce qui est pudiquement appelé le « non-recours » autrement dit « le fait de ne pas recevoir tout ou partie d’une prestation ou d’une aide sociale alors qu’on y a droit ». Il est estimé qu’environ une personne sur trois qui a droit à une allocation (RSA, allocations diverses…) n’en bénéficie pas, soit par ignorance de ses droits, soit par les difficultés rencontrées, soit encore par peur de se voir stigmatisé. C’est une sorte de scandale. Sans doute conviendrait-il d’inverser l’ordre des démarches et de proposer, voire de distribuer, le RSA à tous ceux qui y ont droit. Via l’aide sociale et autres dispositifs publics le recensement ne devrait pas être si difficile. Mais bien sûr cela augmenterait le coût global qui est principalement à la charge des communes.
Ensuite sur l’urgence de « mettre en place un système d’aide pour les
jeunes
de 18 à 24 ans les plus démunis ». Sans complaisance, le Comité décrit
cette exception qui veut que la France « soit l’un des rares pays européens
pour lesquels l’âge requis pour accéder au revenu minimum est plus élevé que
l’âge de la majorité ». Et de plaider une fois de plus, comme de nombreuses
associations, pour l’intégration des 18-24 ans aux dispositifs de protection
sociale. Et de proposer donc « la mise en place d’un revenu garanti pour
les jeunes les plus démunis qui est essentielle pour permettre aux jeunes de
vivre dans des conditions matérielles décentes et pour limiter les
situations de précarité et de pauvreté ».
Une manière donc pour ce comité de se prononcer, à son tour, sans le dire explicitement, pour l’instauration d’un « RSA-jeunes » ou plutôt l’intégration des 18-24 au dispositif général du RSA, (sous réserve bien sûr de prendre en compte les soutiens familiaux).
Face à cette préconisation, la réaction gouvernementale n’a pas tardé. Elisabeth Borne, la ministre du Travail a renvoyé les experts à leurs chères études et les jeunes pauvres au dispositif dit « À chacun sa solution », un dispositif d’aide non négligeable -avec notamment la "garantie jeunes" de 497 € par mois- mais provisoire car lié à la pandémie actuelle. Pourquoi ce refus ? parce que, nous dit-on, étendre le RSA aux jeunes les découragerait de chercher /trouver un emploi.
Un argument que réfute Louis Schweitzer qui fait valoir que même bénéficiant d’un RSA classique (565,34 € au 1er avril)vue sa modicité, les jeunes demeureraient motivés pour trouver un emploi. Et de suggérer, a minima, une expérimentation de la création du RSA-jeunes.
Bref, le débat reste ouvert. Et il sera sans doute capital dans l’année qui nous sépare des élections présidentielles. A bon entendeur…
Sylvain GOUZ
(04/04/2021)
[1] Petite enfance et éducation, santé, formation et emploi, logement, droits sociaux
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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...