sommets européens : sacrifier la
démocratie à l'Europe
ou l'inverse ?
Alors pourquoi ces formules aussi définitives que « sommet de la dernière chance » et autre « l'Europe au bord du gouffre » dont on peut se demander qui les a soufflées à l'oreille de certains media ?
La réponse est simple ? Elle s'apparente au fameux « moi ou le chaos » prêté à de Gaulle en 1968. Elle pourrait s'énoncer ainsi : « sauver l'Europe vaut bien quelques petits arrangements avec la démocratie ». Car le remède de cheval que les chefs d'État à 27 ou à 17 s'apprêtent à nous prescrire consiste fort probablement à mettre en œuvre cette fameuse « gouvernance économique de l'Europe » dont on nous rebat les oreilles, tout particulièrement ces dernières heures.
Surveiller et punir
Depuis trente ans, depuis le traité de Maastricht, on sait que la construction européenne est bancale. Elle possède un pied monétaire, la banque centrale, il lui manque désespérément un pied économique et aussi, on l'oublie complètement, un pied social sans parler du pied à proprement parler politique.
Imposée à l'époque par les Allemands l'indépendance de la banque centrale, la désormais célèbre Banque centrale européenne, lui permet de ne rendre des comptes qu'à elle-même (et encore). Aujourd'hui, il est question, toujours sur pression allemande, de confier à la Commission européenne la mission de « surveiller et punir » les mauvais élèves de la classe Europe qui ont laissé se détériorer leurs finances, par manque de sérieux certes comme les Grecs, mais aussi pour éviter une déroute bancaire et une récession généralisées.
Là où le bât blesse, et gravement, c'est que les membres de cette Commission désignés par les gouvernements, après avoir vu leurs nominations « approuvées » par le Parlement européen, deviennent parfaitement irresponsables, et ne rendent pas davantage de comptes que les Gouverneurs de la BCE.
Nimbée de l'idéologie libérale la plus orthodoxe, la Commission serait censée examiner et valider (ou non) a priori les budgets des Etats européens, surveiller leurs politiques économiques, leur adresser des injonctions qui, faute d'être suivies, entraîneraient des amendes de 1 à 2% du PIB… Imaginez un pays comme la France qui ne se plierait pas aux admonestations de Bruxelles. Il pourrait lui en coûter de 20 à 40 milliards d'euros.
Faut-il le répéter, la coordination des politiques économiques est un vrai sujet pour une union européenne, qui compte en son sein des pays très disparates. Mais pour cela, faut-il en arriver à sacrifier la démocratie à l'Europe ? ou se résoudre à l'inverse ?
L'Europe telle que nous la connaissons est à la croisée des chemins. Il devient chaque jour moins utopique de détricoter celle-ci pour en construire une autre, plus intégrée certes, mais surtout plus démocratique ?
Sylvain Gouz
(26/10/2011)