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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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BCE : les péchés capitaux de Jean-Claude Trichet

A quelques mois de la fin de son mandat à la tête de la Banque Centrale Européenne (BCE), Jean-Claude Trichet nous livre depuis quelques semaines une sorte de feu d'artifices, première page de son testament intellectuel sans doute et feuille de route pour son successeur, l'italien Mario Dragghi, tout autant monétariste orthodoxe et libéralo-rigide, dont la nomination devait être entérinée par les chefs d'Etats et de gouvernements ce 24 juin.

Première salve, le futur ex-gouverneur a lâché voici quelques jours une bombinette institutionnelle. Recevant le « prix Charlemagne », prix décerné à raison de sa contribution à l'unification européenne, Jean-Claude Trichet a déclaré : “Serait-ce trop audacieux, d'un point de vue économique, avec un marché unique, une monnaie unique et une banque centrale unique, d'envisager un ministre des Finances de l'Union ? ”. Et quel serait le rôle de ce nouveau personnage ? réponse du gouverneur : “ la surveillance des politiques budgétaires et des politiques en matière de compétitivité (…) ; toutes les responsabilités assumées généralement par les gouvernements en ce qui concerne le secteur financier intégré de l'Union ; et la représentation de la confédération de l'Union au sein des institutions financières internationales “.

Anti-démocratique

Bon, face aux perspectives d'éclatement ou plutôt d'implosion de la zone euro qui se précisent davantage chaque jour, il faut sans nul doute faire preuve d'imagination. Mais l'imagination de Jean-Claude Trichet n'est pas seulement ‘’ audacieuse ‘’ comme il le sous-entend, elle emprunte surtout un chemin technocratique et anti-démocratique.

Scénario : demain, supposons, un ou une socialiste est élu à la Présidence de la République française et dans la foulée une majorité de gauche s'installe au Palais Bourbon. Et contrairement à la vulgate libéralo-européenne actuelle, cette gauche au pouvoir décide que le comblement du déficit budgétaire au lieu d'être concentré sur 2 ans -comme en a pris l'engagement Nicolas Sarkozy- sera étalé sur 5 ans afin d'éviter une trop forte rigueur.

Aussitôt, le nouveau gouverneur de la BCE qui vient de succéder à Jean-Claude Trichet, l'italien Mario Draghi et qui se montre aussi libéralo-rigide que lui, monte sur ses grands chevaux : ‘’ La France ne peut se dérober à ses obligations ! ‘’. Mais l'offensive frontale est lancée par le tout nouveau ministre européen des Finances qui a été nommé par consensus ‑ce qui a évité de modifier le traité européen- trois semaines avant la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. ‘’ La France se met hors jeu, déclare-t-il, je demande à la commission de lancer une procédure contre Paris ! et compte tenu des nouvelles règles européennes, les lois de finances élaborées par le nouveau gouvernement français seront considérées comme nulles et non avenues‘’.

Une vue de l'esprit ce scénario ?  non un cauchemar qui met en cause l'idée que l'on peut se faire d'une construction européenne démocratique. Que resterait-il de la souveraineté des peuples, dès lors qu'une instance européenne non élue aurait le dernier mot ?

En soi, l'idée de mieux coordonner les politiques économiques des pays membres de la zone euro est loin d'être absurde. Mais au nom de quoi faudrait-il que cette ‘ gouvernance économique ’, c'est bien de cela qu'il s'agit, soit d'inspiration strictement néo-libérale, dans la foulée de la pensée Trichet ? L'Europe est déjà corsetée par un soi-disant ‘’ pacte de stabilité et de croissance ‘’ qui est en vérité un ‘’ pacte de rigueur et d'austérité ’. Il manquait un personnage pour l'incarner. Jean-Claude Trichet l'a inventé.

L'Europe à la croisée des chemins

Deuxième salve du tout-puissant gouverneur de la BCE. Recevant une autre distinction européenne, le week-end dernier, le ‘’ prix de l'économie mondiale ‘’ décerné par le Kiel Institute, Jean-Claude Trichet s'est auto-congratulé pour son action passée, déclarant, en guise de satisfecit que la BCE avait réussi à maintenir l'inflation annuelle sous la barre des 2% et concluant ‘’ Nous avons donc sauvegardé le pouvoir d'achat de l'euro ‘’. Il aurait pu ajouter ‘’ conformément à la mission strictement dévolue à la BCE ‘’.

Mais c'est précisément là que le bat blesse. Car en faisant - de la lutte contre l'inflation l'unique objet de son action, la BCE a conduit l'euro et l'Europe au pire. A coup de taux d'intérêt plutôt élevés et de politique monétaire restrictive, l'euro a attiré les capitaux du monde entier et les cours de l'euro se sont envolés vis-à-vis de la plupart des monnaies à commencer par le dollar. Alors que la plupart des économistes s'accordent pour estimer que la parité de pouvoirs d'achat conduirait à coter 1 euro pour 1 dollar, la monnaie européenne s'échange aujourd'hui sur les marchés financiers, au-dessus de la barre de 1,40 dollar. Résultat, ce sont les exportations européennes qui ont trinqué et la croissance des pays européens qui a été pénalisée.

Avec les crises grecque, irlandaise, portugaise, espagnole, bientôt italienne…la construction européenne se trouve une nouvelle fois à la croisée des chemins : entre davantage de démocratie européenne ou le repli général sur les égoïsmes nationaux. De ce point de vue les pensées testamentaires de Jean-Claude Trichet sont des épouvantails, des péchés capitaux.

Sylvain Gouz

(21/06/2011)

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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