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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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"Libération fiscale" : les Français bossent 1 jour sur 2 pour l'État ? Faux et démagogique

 

Il paraîtrait qu’à dater du 28 juillet, cette année, les Français commenceraient (sic) à travailler pour eux-mêmes et non plus pour l’État vorace qui taxe et impose tout ce qui bouge. Une vision arithmétiquement « juste », mais intellectuellement partielle et politiquement inepte.

 Il aura suffi qu’un institut économique franco-belge  se dénommant « institut Molinari » et se présentant  lui-même comme « thinkthank libéral », se livre avec sa calculette à l’opération suivante concernant la France :

- je prends le salaire moyen d’un célibataire sans enfant

- j’additionne les prélèvements fiscaux et sociaux qu’il a acquittés : impôt sur le revenu, CSG, TVA charges sociales (employé et employeur)

- enfin je rapproche l’un de l’autre et je débouche sur le pourcentage fatidique de ce qui serait aspiré par l’Etat glouton: 57,53%, soit 210 jours, ce qui conduit à fixer au 29 juillet la date de la « libération fiscale » pour cette année.

 A noter qu’on peut imaginer plus simple, ce que fait d’ailleurs un autre lobby anti-fisc français baptisé pour le coup « contribuables associés »: il reprend une estimation de l’OCDE concernant les prélèvements obligatoires en 2016 (56,60 % du produit intérieur brut) et avec la même règle de trois appliquée au calendrier arrive à un résultat voisin. Cette fois, la date de cette fameuse « libération fiscale » est avancée de trois jours, elle se serait située le 26 juillet.

A trois jours près qu’importe ! ce genre de raisonnement permet toutes les caricatures, voire toutes les démagogies. Le Figaro et l’Opinion en tête, les media qui se revendiquent de la droite libérale, n’ont pas manqué de relayer cette pseudo information : l’État étrangle les Français en leur retirant plus de la moitié du pain qu’ils ont dans la bouche ou, si l’on préfère une autre image, en les faisant travailler pratiquement sept mois par an pour nourrir cette bête immonde que serait précisément l’État.

 Cet argent est redistribué, directement ou indirectement

Pour ne pas tomber dans ce panneau grand ouvert, il faut avoir en tête qu’environ la moitié de ce qui est « pris » aux contribuables leur est reversée directement sous forme de prestations diverses qui vont des remboursements de frais de maladie aux pensions de retraite en passant pas les allocations familiales, les indemnités chômage… Cela s’appelle la redistribution. Elle va des actifs aux retraités, des bien portants aux malades, des célibataires aux familles nombreuses et -en principe…- des plus riches vers ceux qui le sont moins.

 Le restant, dont tout un chacun bénéficie également, mais sous forme « indirecte », sert à faire fonctionner ce qu’on appelle les « services publics » : écoles, universités, transports publics, police, armée, justice, éclairage public, entretien des routes fonctionnement des administrations – y compris celle des impôts – et bien sûr traitements des fonctionnaires, sans oublier le remboursement des dettes publiques accumulées, on ne le sait que trop. Bref, la liste est longue comme un jour sans fin.

 Les comparaisons internationales ne sont pas probantes

Et puis, il faut revenir sur cette notion de prélèvements obligatoires et ce pourcentage (57%) de la richesse nationale qui serait ainsi capté par le « moloch-État ». Selon les contempteurs de l’État dépensier,  la France serait en tête du peloton international, précédée, si l’on peut dire, par … le Danemark.

Mais de l’OCDE soi-même au Conseil des impôts, chacun reconnaît que ces comparaisons internationales ne sont guère probantes. Pour deux raisons principales : d’abord les manières de comptabiliser les recettes fiscales varient d’un pays à l’autre ; ensuite et surtout le montant des prélèvements, leur pourcentage dans le produit intérieur brut, dépend directement de l’étendue du champ couvert par la dépense publique.

Selon par exemple que les retraites sont financées par répartition (ce qui  nécessite des cotisations) ou par capitalisation individuelle auprès de fonds de pension privés, que les assurances maladies sont publiques ou privées, que l’éducation est assurée par l’Etat ou par des institutions privées. 

Comment comparer à bon droit les prélèvements obligatoires de la France où, par exemple, l’Education est quasi totalement financée par l’état et ceux des Etats-Unis où la part du financement privé en la matière est particulièrement importante. 

Il conviendrait donc avant de crier haro sur le baudet fiscal/para-fiscal de s’interroger sur les services rendus par la dépense publique. On ne saurait dire que le rapport qualité/financement de ces services soit le meilleur qui soit. La Cour des comptes ne cesse de recenser les gaspillages année après année, mais ceux-ci, en définitive, pèsent peu au regard des masses financières en cause.

Oser une vraie réforme fiscale

Une idée enfin que je reprends ici (comme on tape indéfiniment sur un clou qui refuse de s’enfoncer) : pour diminuer de manière apparente, -faciale, disent les puristes- le pourcentage des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale, il suffirait de déduire les prestations reçues des impôts payés (sur le revenu ou via la CSG). Par exemple plutôt que de jouer les Shadocks en pompant des revenus sur des familles nombreuses pour leur en redistribuer une partie sous forme d’allocations familiales, il suffirait de déduire les dites allocations des impôts à acquitter. Et de même pour de nombreuses prestations individualisées.

 Cela devrait faire partie intégrante d’une vraie réforme fiscale toujours promise et chaque fois différée. Ainsi le contribuable français, Monsieur Toutlemonde, n’éprouverait plus ce sentiment certes déplaisant mais totalement factice de travailler pour rien -on disait autrefois « pour le roi de Prusse »- un jour sur deux au moins.

Sylvain GOUZ

(30/07/2016)

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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