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journaliste, homme de presse écrite, de radio et de télévision.

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La valse des milliards va commencer : pas d’inflexion idéologique à attendre

Les vacances d’été tirent à leur fin, le virus continue de naviguer d’un cluster à l’autre, le gouvernement mitonne son plan dit de relance  qui doit être annoncé à grand renfort de trompettes dans quelques jours. Ainsi commence la valse des milliards (une centaine sur le tapis). Une valse qui, d’une certaine façon, passera à côté d’un chantier essentiel. On va le voir.

La leçon nous vient d’Allemagne. Ainsi que le rapporte le Monde, le syndicat IG metall (2,3 millions d’adhérents) largement majoritaire, met le sujet sur la table de négociation avec le patronat de la métallurgie : réduire la durée du travail (passer à une semaine de 28 heures sur 4 jours) pour éviter une hausse massive du chômage.

L’idée n’est pas nouvelle. Au point que la convention citoyenne pour le climat l’avait inscrite dans ses propositions avant de la rejeter in fine. Une occasion perdue écrivions-nous ici. On l’a souvent écrit : « travailler moins pour que plus travaillent ».

Dans le contexte de la crise économique provoquée par la propagation du virus covid-19 ce schéma devrait pourtant s’imposer. Contrairement à ce qui se dit souvent, il ne s’agirait absolument pas d’un « partage du gâteau/activité », mais au contraire le faire grossir le dit gâteau.

Une rustine nommée ARME

Certes, fin d’éviter une flambée trop massive du chômage, le gouvernement s’est timidement engagé sur ce chemin de la diminution de la durée du travail avec un dispositif baptisé ARME (pour « activité partielle de longue durée ». Un petit pas qui subordonne une diminution du temps de travail à des conditions assez strictes fort bien détaillées par LE MONDE.

Pour faire court disons qu’en contrepartie d’un engagement de maintien de l’emploi dans l’entreprise et d’une réduction des horaires de travail (de 40% maximum par rapport à la durée légale, soit 21 h hebdomadaires) les salariés toucheront quelque 84% de leur salaire net. Ce dispositif vise uniquement les entreprises « confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité » et doit être validé par un accord entre partenaires sociaux (au niveau de l’entreprise et/ou de la branche). Enfin, et c’est une autre limite, tout ceci est prévu pour s’arrêter en 2022.

Il s’agit dons d’une sorte de rustine sur laquelle il ne faut certes pas cracher dans l’état où en sont l’économie française et les menaces sur l’emploi salarié, mais en aucun cas d’un changement de philosophie. Macron et son gouvernement restent fondamentalement attachés à l’idéologie pro-business. Face à la crise actuelle, Ils misent avant tout sur l’économie de l’offre, -maintenir les entreprises la tête hors de l’eau-, tandis qu’ils ne favorisent que chichement l’économie de la demande -doper la consommation et donc le pouvoir d’achat en général-. Ce dont témoigne l’allègement prévu des impôts dits « de production » (10 milliards par an ), sans véritables contre-parties -par exemple d’ordre environnemental- et surtout sans tenir compte de la situation, bénéficiaire ou non, des entreprises.

Faire financer les 28h par l’UNEDIC

Mais si l’on redevient un brin utopiste, qu’on envisage un réel passage structurel de 35 à 28h hebdomadaires, se pose bien sûr la question : ce passage de 35 à 28h se ferait-il à salaire constant (comme les 39h sous Mitterrand) ou avec une diminution de salaire correspondante ?

On peut, imaginer -et souhaiter- le scénario suivant : maintien du salaire jusqu’à un certain niveau de rémunération (un SMIC et demi ou deux SMIC par exemple) et dégressivité progressive au-delà. Mais, comme le dit si bien Emmanuel Macron, « il n’y a pas d’argent magique » et donc il faudra bien que quelqu’un finance un dispositif de ce genre. Ce serait absurde de faire peser ce financement uniquement sur les employeurs qui pour beaucoup sont plutôt en train de préparer des réductions d’effectifs. Il convient donc de se retourner vers les dépenses publiques.

Par exemple, osons dire qu’il vaudrait mieux financer un passage maîtrisé aux 28h, créateurs d’emplois et donc d’activité et de croissance, qu’indemniser le chômage, par essence improductif. Mis à part l’exception de cette année 2020 qui verra s’envoler l’indemnisation des chômeurs, le budget de l’assurance chômage (UNEDIC) tourne autour de 40 milliards/an. Il y a là des ressources à mobiliser. On passerait ainsi du financement du chômage à celui des 28h.

Nous sommes à ce jour assurément loin d’envisager d’entrer dans l’APRES (après COVID, après crise économique) mais si l’on veut que cet APRES ne ressemble pas à l’AVANT (en pire ?) il serait déjà temps d’œuvrer vers des changements radicaux : et passer aux 28h hebdo en serait un (de même que l’instauration du revenu minimum universel). 

Le choc du COVID permettrait ainsi d’aller vers une société différente...meilleure et plus éclairée.
 

Sylvain GOUZ

(21/06/2020)

 

 

 

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Sylvain GOUZ a créé et anime MEDIΔGOUZ, la structure qui abrite ses activités de journalisme et de conseil media...

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